accordion-iconalert-iconarrow-leftarrowarticleShowedbacktotopCreated with Sketch. bookmarkcall-iconcheckchecked-iconclockclose-grcloseconnexion-iconfb-col fb-footer-iconfb-iconfb feedMark__icon--radiofeedMark__icon--starPage 1Created with Avocode.filterAccordion-arrowgoo-col headerBtn__icon--connecthomeinfo-blueinfo insta-1 instalank2IconCreated with Avocode.lglasslink-2linklink_biglinkedin-footer-iconlinkedin-iconlinkedin Svg Vector Icons : http://www.onlinewebfonts.com/icon lock-bluelockmail-bluemail-iconmailnot_validoffpagenavi-next-iconpdf-download-iconplus print-iconreadLaterFlagrelatedshare-icontagsLink-icontop-pagetw-col tw-footer-icontw-icontwitter unk-col user-blueuseruserName__icon--usernamevalidyoutube-footer-iconyoutube Svg Vector Icons : http://www.onlinewebfonts.com/icon
Offert

Échange international d'informations entre autorités fiscales : recours direct pour le destinataire de l'injonction, recours incident pour le contribuable

Jurisprudence

« L'efficacité de la lutte contre l'évasion fiscale ou la simple fraude fiscale est actuellement au centre du débat public, des réformes des textes juridiques et de la jurisprudence de la Cour. La lutte internationale contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfice par des contribuables (le projet dit BEPS de l'OCDE) requiert incontestablement une coopération accrue entre les autorités fiscales des États et en particulier un échange efficace de données. La présente demande de décision préjudicielle a pour objet l'autre face d'un système efficace d'échange d'informations : les valeurs juridiques (par exemple le droit fondamental à la protection des données) des personnes tenues de donner des renseignements, des contribuables et d'autres tiers qui, dans certaines circonstances, n'ont pas connaissance de la transmission de leurs données. En l'espèce, le Grand‑Duché de Luxembourg avait expressément exclu dans sa législation tout recours contre les injonctions de fournir des renseignements. » (Juliane Kokott - CJUE, concl., 2 juill. 2020, aff. C-245/19 et C‑246/19, B. et a. c/ État du Grand-Duché de Luxembourg).

La CJUE, dans un arrêt de grande chambre du 6 octobre 2020, juge que le droit à un recours effectif impose de permettre aux personnes qui sont détentrices d'informations dont l'administration fiscale demande la communication, dans le cadre d'une procédure de coopération entre États membres, de former un recours direct contre cette demande. En revanche, la Cour admet que les États membres puissent priver d'une telle voie de recours direct le contribuable visé par l'enquête fiscale et les tiers concernés par les informations en cause, dès lors qu'il existe d'autres voies de recours leur permettant d'obtenir un contrôle incident de la demande. Elle ajoute qu'une demande d'information peut valablement porter sur des catégories d'informations plutôt que sur des informations précises, si ces catégories sont délimitées par des critères établissant leur caractère « vraisemblablement pertinent ».

L'administration fiscale espagnole a sollicité de l'administration fiscale luxembourgeoise, au titre de la convention fiscale luxembourgo-espagnole et de la directive relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, la transmission d'informations relatives à une artiste espagnole résidant en Espagne. L'administration fiscale luxembourgeoise ne disposait pas elle-même des informations demandées. Elle a donc enjoint à une société luxembourgeoise et à une banque de lui fournir les renseignements demandés par l'administration fiscale espagnole. La législation luxembourgeoise en vigueur au moment des faits excluait tout recours juridictionnel à l'encontre d'une telle injonction.

La juridiction luxembourgeoise saisie demande à la CJUE si l'injonction de fournir des renseignements constitue un empiétement sur les droits fondamentaux de la personne tenue de fournir des renseignements, du contribuable et d'autres tiers concernés à ce titre, contre lequel un recours juridictionnel effectif doit être ouvert. Elle lui demande également comment la demande doit être précisément et concrètement énoncée à l'égard des personnes concernées pour que les autorités fiscales puissent apprécier la « pertinence vraisemblable » des informations réclamées pour la procédure fiscale dans l'autre État membre. En effet, seules les informations « vraisemblablement pertinentes » relèvent de la coopération administrative mise en place par la directive.

  • Sur l'exigence d'un droit au recours juridictionnel

Destinataire de l'injonction. La Cour relève que la protection des personnes physiques et morales contre des interventions arbitraires ou disproportionnées de la puissance publique dans leur sphère d'activité privée constitue un principe général du droit de l'UE. Elle peut donc être invoquée par une personne morale destinataire d'une décision d'injonction de communication d'informations à l'administration fiscale, en vue de la contester en justice.

Mais le droit à un recours effectif peut être limité, en l'absence de réglementation de l'UE en la matière, par une législation nationale si les conditions prévues par l'article 52 § 1 de la Charte sont respectées. Cette disposition exige notamment que le contenu essentiel des droits et des libertés garantis par la Charte soit respecté. À cet égard, la Cour précise que le contenu essentiel du droit à un recours effectif inclut entre autres, un élément consistant, pour le titulaire du droit, à pouvoir accéder à un tribunal compétent pour assurer le respect des droits et libertés garantis par le droit de l'UE (et à cette fin, pour examiner toute question de droit et de fait pertinente pour résoudre le litige dont il est saisi). Elle ajoute que pour accéder à un tel tribunal, cette personne ne saurait se voir contrainte d'enfreindre une règle ou une obligation juridique et de s'exposer à la sanction attachée à cette infraction.

Or, en vertu de la législation luxembourgeoise, c'est seulement lorsque le destinataire de la décision d'injonction ne respecte pas cette décision et se voit ultérieurement infliger une sanction pour ce motif qu'il dispose d'une possibilité de contester, à titre incident, la décision, dans le cadre du recours ouvert contre la sanction.

Dès lors cette législation ne respecte pas le droit à un recours effectif.

Contribuable. Le contribuable visé par l'enquête est, selon la Cour, en tant que personne physique, titulaire du droit au respect de la vie privée et du droit à la protection des données personnelles. La communication d'informations le concernant à une autorité publique est susceptible de violer ces droits. Cette situation justifie qu'il puisse se voir reconnaître le bénéfice du droit à un recours effectif.

Toutefois, l'exigence tenant au respect du contenu essentiel de ce droit n'implique pas que le contribuable dispose d'une voie de recours directe visant, à titre principal, à mettre en cause une mesure donnée. Mais c'est à la condition qu'il existe, devant les différentes juridictions nationales compétentes, une ou plusieurs voies de recours qui lui permettent d'obtenir, à titre incident, un contrôle juridictionnel effectif de cette mesure, sans devoir s'exposer, à cette fin, à un risque de sanction. En l'absence d'une voie de recours directe contre une décision d'injonction, ce contribuable doit ainsi disposer d'un droit de recours contre la décision de rectification ou de redressement adoptée au terme de l'enquête. Il doit également bénéficier de la possibilité de contester, à titre incident, la première de ces décisions ainsi que les conditions d'obtention et l'utilisation des preuves recueillies grâce à celle-ci. Dès lors, la législation luxembourgeoise qui empêche un tel contribuable de former un recours direct contre une décision d'injonction ne porte pas atteinte au contenu essentiel du droit à un recours effectif.

La Cour ajoute que cette législation répond à un objectif d'intérêt général reconnu par l'UE : la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale (en renforçant la coopération entre les autorités nationales compétentes en ce domaine).

Tiers concernés personnes morales. La Cour juge, de façon analogue, que l'exercice du droit à un recours effectif dont doivent disposer ces tiers, en présence d'une décision d'injonction qui pourrait violer leur droit à la protection contre des interventions arbitraires ou disproportionnées de la puissance publique dans leur sphère d'activité privée, peut être limité par une législation nationale excluant la formation d'un recours direct. Mais c'est à la condition que ces tiers disposent d'une voie de recours leur permettant d'obtenir le respect effectif de leurs droits fondamentaux, telle que celle du recours en responsabilité.

  • Sur la notion d'informations « vraisemblablement pertinentes »

Confirmant sa jurisprudence Berlioz (CJUE, gr. ch., 16 mai 2017, aff. C‑682/15 ; V. Arrêt Berlioz : un espoir pour le contribuable ?), la Cour juge enfin qu'une décision par laquelle l'autorité fiscale d'un État membre oblige une personne détentrice d'informations à les lui fournir, en vue de donner suite à une demande d'échange d'information doit être considérée comme portant sur des informations « vraisemblablement pertinentes » au sens de la directive relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (Cons. UE, dir. 2011/16/UE, 15 févr. 2011) dès lors :
- qu'elle indique l'identité de la personne détentrice des informations en cause, celle du contribuable visé par l'enquête à l'origine de la demande d'échange d'informations et la période couverte par cette demande ;
- qu'elle porte sur des contrats, facturations et paiements qui, tout en n'étant pas identifiés de façon précise, sont délimités par des critères personnels, temporaires et matériels faisant apparaître leurs liens avec l'enquête et le contribuable visé.

La Cour juge en effet que cette combinaison de critères suffit pour considérer que les informations demandées n'apparaissent pas, de manière manifeste, dépourvues de toute pertinence vraisemblable, de telle sorte qu'une délimitation plus précise de celle-ci n'est pas nécessaire.