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Offert

La CEDH fait le point sur la situation des personnes internées détenues dans les ailes psychiatriques de prisons ordinaires en Belgique

Jurisprudence

À l'occasion d'un recours de personnes internées détenues dans les ailes psychiatriques de prisons belges, la CEDH fait le point sur les développements ultérieurs à son arrêt pilote W.D. c/ Belgique, dans un arrêt du 6 avril 2021.

L'affaire concerne 5 requêtes relatives à l'internement de 5 ressortissants belges dans l'aile psychiatrique de prisons ordinaires. Elles font suite à l'arrêt pilote W.D. c/ Belgique dans lequel la Cour avait jugé que « La détention d'un délinquant souffrant de problèmes mentaux dans un milieu carcéral inadapté à ses besoins thérapeutiques constituait un problème structurel en Belgique » (CEDH, 6 sept. 2016, n° 75548/13). Les requérants alléguaient de ne pas avoir bénéficié d'une prise en charge thérapeutique adaptée à leur état de santé mentale et se plaignaient de l'absence d'un recours effectif pour faire évoluer leur situation.

Les requérants invoquaient la violation de l'article 3 (traitements inhumains et dégradants) et de l'article 5 § 1 (liberté et sûreté). Ils se plaignaient d'avoir été détenus pendant plusieurs années dans les ailes psychiatriques de prisons ordinaires, de ne pas y avoir bénéficié de soins et d'un traitement approprié à leur état de santé mentale. Ils invoquaient également la violation de l'article 5 § 4 (droit de faire statuer à bref délai sur la légalité de sa détention).

  • Point sur l'évolution de la situation depuis 2016

La CEDH fait d'abord le point sur l'évolution de la situation depuis l'arrêt pilote. L'offre d'accueil des internés en Belgique ainsi que les mesures prises par les autorités nationales pour modifier le cadre légal et améliorer la situation ont déjà été décrites dans l'arrêt W.D. c/ Belgique et mise à jour dans Rooman c/ Belgique (CEDH, gr. ch., 31 janv. 2019, n° 18052/11, Rooman c/ Belgique ; V. Détention d'un délinquant souffrant de troubles mentaux : la CEDH précise le sens de l'obligation de soins incombant aux États). C'est notamment dans le cadre de l'exécution de ces arrêts que les autorités belges ont pris des mesures générales pour améliorer la situation des internés. Les différents « Masterplan » ont abouti à la création d'un grand nombre de places d'accueil pour les internés dans des institutions de soins avec un contrôle de la façon dont ils sont traités. Il est prévu que des places supplémentaires soient encore créées dans les prochaines années. D'après les informations fournies par le Gouvernement, en avril 2016, la Belgique comptait 4 230 personnes ayant le statut d'interné, parmi lesquelles 807 étaient détenues en prison. En 2020, selon un communiqué du Gouvernement, elles étaient de 537.

  • Sur la violation des articles 3 et 5 § 1 de la Convention

Ce grief porte sur les périodes pendant lesquelles les requérants ont été détenus dans les ailes psychiatriques de prisons sans bénéficier d'une thérapie adaptée.

Elle note que lors de l'introduction de leur requête, les requérants étaient privés de leur liberté dans l'aile psychiatrique d'une prison ordinaire où ils ne bénéficiaient pas d'une thérapie adaptée. Ils séjournent désormais tous dans un établissement a priori adapté à leur état de santé mentale dans lequel ils ne contestent pas recevoir un traitement approprié. Leur détention dans des conditions contraires à la Convention a donc pris fin.

Pour l'ensemble des requérants, les juridictions belges ont reconnu la violation de la Convention et en ont déduit que l'État avait commis une faute au sens du Code civil. La CEDH considère donc qu'il y a eu une reconnaissance explicite de la violation.

En revanche, en ce qui concerne la réparation, la Cour note que pour 3 des requérants, les juridictions belges ont appliqué un délai de prescription de 5 ans en considérant que la créance à laquelle ils pouvaient prétendre naissait chaque jour à nouveau et faisait courir le délai de prescription. Or, la Cour estime que la durée de séjour de ces trois requérants dans les ailes psychiatriques de prison a largement excédé la durée raisonnable pour leur placement dans un établissement approprié. Dans la mesure où ils n'ont à aucun moment fait l'objet d'une mise en liberté définitive et que leur statut d'interné n'a pas changé, les périodes de privation de liberté consécutives doivent être considérées comme un tout, et donc comme une violation continue. Pourtant, la réparation accordée par les juridictions internes ne couvre pas l'intégralité de la période de violation continue. Il y a donc eu violation des articles 3 et 5 § 1 de la Convention à l'égard de ces 3 requérants.
Pour les deux autres requérants en revanche, la Cour constate qu'ils ont obtenu une réparation pour l'intégralité des périodes pour lesquelles ils ont demandé une indemnisation. Le montant de 1 250 € par année de détention dans des conditions contraires à la Convention n'est pas déraisonnable. Leurs griefs tirés de la violation des articles 3 et 5 § 1 sont donc rejetés.

  • Sur la violation des articles 5 § 4 et 13 de la Convention

Ce grief porte sur l'effectivité des recours préventifs mis à la disposition des requérants en vue de faire évoluer leurs conditions matérielles de détention qui étaient contraires à la Convention.

Les procédures dont se plaignent 3 des requérants se sont déroulées sous l'empire de la loi de 1930 de défense sociale. Pendant toute la période durant laquelle ils étaient détenus dans un établissement pénitentiaire et dans des conditions inappropriées, ils n'ont pas bénéficié d'un recours préventif effectif, pour les mêmes motifs que ceux identifiés par la CEDH dans l'arrêt pilote. Et ce, au moins jusqu'à la création de places supplémentaires. Il y a donc eu violation des articles 5 § 4 et 13 de la Convention EDH.

Les procédures dont se plaignent 2 des requérants se sont déroulées après l'entrée en vigueur de la loi de 2014 relative à l'internement. Ils estiment que les recours préventifs créés par cette loi n'étaient pas effectifs : ils ne leur ont pas permis d'obtenir une amélioration de leur situation ou leur transfert vers un établissement adapté.

La CEDH examine le droit interne :

- l'examen périodique annuel prévu par la loi : la Cour observe que la loi de 2014 prévoit un système de contrôle périodique automatique de la privation de liberté de la personne internée, qui doit être entamé dans un délai qui ne peut excéder un an après la décision précédente de la chambre de protection sociale du tribunal de l'application des peines (CPS). La CPS peut prévoir dans son jugement un délai plus court si elle l'estime nécessaire. Elle peut reporter une seule fois le traitement de l'affaire à une audience ultérieure, sans que cette audience puisse être tenue plus de 2 mois après le report. En principe, une période maximale de 16 mois et demi sépare ainsi deux décisions de la CPS. Selon la CEDH, cet intervalle ne peut pas être considéré comme raisonnable pour les personnes internées qui sont privées de liberté dans des conditions aux articles de la Convention. En effet, le recours préventif doit être susceptible de mettre rapidement fin à l'incarcération ce qui n'est manifestement pas le cas de l'examen périodique annuel ;

- la procédure d'urgence : cette procédure constitue désormais la seule possibilité d'initiative laissée à l'interné et son avocat dans le cadre des procédures devant les instances de protection sociale. Cette disposition donne compétence à la CPS pour prendre, en cas d'urgence, une décision concernant une demande de transfèrement de la personne internée, de permission de sortie, de congé, de détention limitée, de surveillance électronique, de libération à l'essai et de libération anticipée en vue de l'éloignement du territoire ou en vue de la remise. La Cour constitutionnelle a considéré que cette procédure contient une garantie très forte quant au respect de l'article 5 de la Convention. Mais la CEDH constate que dans le cas d'un requérant, la CPS a refusé de reconnaître que sa détention dans des conditions contraires à la Convention constituait une situation urgente. Elle a estimé qu'il n'avait pas présenté un plan de reclassement concret et que son transfèrement vers un autre établissement ne pouvait être ordonné. Sur ce point, la Cour insiste sur le fait qu'il appartient aux autorités de prendre les mesures nécessaires afin d'assurer aux personnes internées une prise en charge appropriée et individualisée adaptée à leur état de santé mentale. Il s'agit là d'une obligation mise à la charge de l'État. Il n'appartient pas aux internés d'organiser eux-mêmes la possibilité de leur reclassement dans un tel établissement. En effet, dans le cas de délinquants souffrant de troubles mentaux n'ayant pour la plupart pas bénéficié d'un suivi psychiatrique régulier et indépendant pendant plusieurs années, l'identification de la « solution appropriée », qui est également tributaire du profil des intéressés et du danger qu'ils représentent pour la société, est impossible à faire par les intéressés eux-mêmes. Il ne faut pas non plus perdre de vue que les internés souffrent de troubles mentaux et peuvent donc être incapables de se plaindre de manière cohérente, voire à se plaindre tout court, du traitement qui leur est réservé et de ses effets sur eux.
Dans ces conditions, l'interprétation faite par les juridictions internes de la notion d'« urgence », combinée à la durée de l'intervalle entre deux décisions de la CPS dans le cadre du contrôle périodique automatique, a pour conséquence que les recours devant les instances de protection sociale tels qu'ils sont organisés par la loi relative à l'internement ne constituaient pas des recours susceptibles de redresser rapidement la situation dont les requérants étaient victimes et d'empêcher la continuation des violations alléguées. Ces recours ne pouvaient donc passer pour effectifs ;

- le recours en référé : la Cour rappelle que l'ensemble des recours offerts par le droit interne peut remplir les exigences d'effectivité, même si aucun d'eux n'y répond en entier à lui seul. Or en droit belge, la Cour de cassation a précisément rappelé la complémentarité des recours devant les instances de protection sociale et ceux devant le juge judiciaire. La CEDH juge qu'eu égard à la possibilité qu'avaient les requérants d'introduire un recours en référé en l'absence d'éléments récents démontrant l'ineffectivité de facto de cette voie de recours, elle conclut qu'ils avaient à leur disposition un recours effectif. Elle précise que cette conclusion ne préjuge en rien d'un éventuel réexamen de la question de l'effectivité du recours en référé à la lumière des décisions rendues par les juridictions nationales et de leur exécution effective.