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Crise de la Justice : l'allocution à charge de François Molins

Dans une allocution prononcée à l'audience solennelle de début d'année judiciaire de la Cour de cassation, qui s'est tenue le 10 janvier en présence du Premier ministre, Jean Castex, et du garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, le procureur général près la Cour de cassation, François Molins, est longuement revenu sur la crise que traverse la Justice et sur l'état d'esprit des magistrats « partagés entre lassitude et désespérance ».

Situation de la Justice. - Conditions de travail intenables dans les juridictions du fond, souffrance, perte de sens : « nul ne peut nier aujourd'hui la crise que nous vivons », a interpellé le procureur général, fustigeant la « logique productiviste » qui fait « naître des tensions au sein des juridictions, et a conduit à une dégradation des conditions de travail ». L'un des deux plus hauts magistrats de l'Ordre judiciaire est revenu sur la tribune publiée au Monde le 23 novembre dernier, véritable « lame de fond », signée par plus de 7 000 magistrats, greffiers et avocats, pour dénoncer une Justice « qui déshumanise et maltraite les justiciables ainsi que ceux qui œuvrent à son fonctionnement » et exiger « une justice proche, humaine et qui se traduise par des décisions de qualité rendues dans des délais raisonnables » (V. D. Salas Le mouvement des magistrats de l'hiver 2021 : quelle signification ? : JCP G 2022, act. 3 ; JCP G 2021, act. 1314, Edito C. Jamin).

Parce qu'ils exercent un « métier passion », les magistrats, « peut-être à tort », ont accepté « trop longtemps ce qui ne devait pas l'être, c'est-à-dire l'insuffisance chronique et l'inadéquation des moyens au quotidien pour remplir [leurs] missions et qui n'ont pu en réalité être menées à bien que grâce au dévouement sans limite des magistrats et des fonctionnaires de justice ». Cette situation, au cœur du travail des États généraux de la Justice, est la conséquence de plusieurs facteurs « connus depuis longtemps tout comme le sont les remèdes nécessaires », a pointé François Molins. Ces causes sont en particulier : un manque de considération et de reconnaissance pour la Justice et celles et ceux qui la rendent ; une inflation législative (plus de 40 réformes de droit pénal et procédure pénale en 18 ans) et une « fait-diversification » du droit pénal ; un accroissement exponentiel de l'activité des juges et des procureurs sans augmentation des moyens. Comme le souligne la Cour des comptes, a rappelé François Molins, « faute d'une capacité du ministère de la Justice à améliorer son organisation, le rythme de ces réformes contribue à l'augmentation des délais de traitement des affaires ».

Logique productiviste. - De surcroît, la justice « n'est pas un simple service public » et ne peut être pensée « par le seul prisme d'une logique budgétaire d'efficience ». Elle occupe « une place particulière dans notre démocratie régie par deux principes fondamentaux : la hiérarchie des normes et la séparation des pouvoirs où pouvoir exécutif, pouvoir législatif et pouvoir judiciaire expriment chacun la souveraineté nationale sans qu'aucun ne puisse en revendiquer le monopole. Ces trois pouvoirs se complètent et se contrôlent » a énoncé le procureur général. Cette « logique productiviste » a conduit à « une logique de flux et de recherche constante d'un taux de couverture positif, c'est-à-dire d'une situation où, dans une juridiction, il y a plus d'affaires sorties que d'affaires entrées ». C'est cela que refusent les jeunes magistrats, a-t-il conclu, et « il faut leur rendre hommage d'avoir voulu rappeler les fondamentaux de notre métier et d'avoir dénoncé le décalage profond qui existe entre la noblesse et la hauteur de leur mission et la précarité des conditions dans lesquelles ils travaillent au quotidien ».

Si le procureur général a noté les efforts budgétaires consentis ces dernières années, qui demeurent insuffisants, il estime qu'ils traduisent en réalité « un certain manque de confiance de l'État dans sa justice et dans sa capacité à se réorganiser », appelant à la création d'emplois pérennes de magistrats et de greffiers, ces fameux sucres lents dont la Justice a besoin. Le procureur a rappelé que la Cour des comptes, soulignant ce problème de confiance dans l'institution judiciaire qui a « moins besoin d'être réformée que mieux gérée », a déjà tracé plusieurs pistes : la réforme de la carte des cours d'appel pour que la justice se dote de moyens de gestion plus performants ; la nécessité de disposer d'outils d'évaluation de la charge de travail et de répartition des effectifs dans les juridictions ; la mise à niveau du numérique et de l'outil informatique.

États généraux de la Justice. - Le procureur général a renvoyé aux États généraux de la Justice qui doivent « permettre d'avancer », tout en appelant « à la volonté et au courage du politique à porter les bonnes solutions ». Doivent en particulier être abordées la question du statut du parquet et celle de l'unité du corps, « intimement liées », sur lesquelles François Molins a une nouvelle fois mis l'accent. « Sans indépendance, il n'y a en effet pas d'impartialité et sans impartialité, il n'y a pas de justice. Il ne saurait donc y avoir de justice de qualité sans parquet indépendant et impartial. (…) Pour faire disparaître le venin de la suspicion, il est nécessaire de faire évoluer le statut du parquet dans le sens d'un alignement des deux régimes statutaires du siège et du parquet tant sur le plan des nominations que sur celui du régime disciplinaire ».

Bilan de l'action du parquet général. - Le procureur général près la Cour de cassation a, en outre, fait le bilan de l'action du parquet général au cours de l'année écoulée. « La fonction d'avocat général exercée de façon approfondie et dans des conditions qui en permettent la pleine expression peut être d'un grand profit pour la Cour de cassation », a répété François Molins. Au cours de l'année écoulée, le parquet général a notamment développé une politique de spécialisation en instituant, au sein du parquet général de chacune des chambres de la Cour, des référents qui développent une connaissance approfondie de certains contentieux émergents. Des rencontres dans les cours d'appel et tribunaux judiciaires ont été organisées avec une équipe de quatre avocats généraux, permettant d'expliquer les principes et les étapes du contrôle de proportionnalité/conventionnalité ainsi que la jurisprudence de la Cour sur les contentieux de la filiation, de la PMA et de la GPA, de l'hospitalisation sous contrainte, des mineurs étrangers isolés et des procédures collectives.