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Règlement « successions internationales » : les règles de compétences subsidiaires s'appliquent-elles d'office ?

Jurisprudence

Dans un arrêt du 18 novembre 2020, la première chambre civile de la Cour de cassation s'est trouvée confrontée à un différend portant sur une succession mettant en œuvre le règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012 et plus précisément sur l'application d'office ou non de l'article 10 relatif aux « Compétences subsidiaires ». Elle a donc décidé de saisir la CJUE de cette question.

En l'espèce, un homme de nationalité française est décédé en France, laissant pour héritier son épouse ainsi que ses 3 enfants issus d'une précédente union.

Les enfants ont assigné l'épouse devant le président d'un TGI en référé afin d'obtenir la désignation d'un mandataire successoral en invoquant la compétence des juridictions françaises sur le fondement de l'article 4 du règlement, soutenant que leur père résidait en France lors de son décès.

La cour d'appel de Versailles reconnaissant que la résidence habituelle du défunt se trouvait au Royaume-Uni – considéré comme État tiers car non partie au règlement – en a déduit que les juridictions françaises sont incompétentes conformément à l'article 4 du règlement.

Les enfants ont alors formé un pourvoi faisant grief à l'arrêt de la cour d'appel de ne pas avoir reconnu les juridictions françaises compétentes pour statuer sur la succession de leur père en invoquant cette fois-ci non plus l'article 4 du règlement, mais l'article 10 du règlement (UE) n° 650/2012 au motif « que lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un État membre, les juridictions de l'État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes, de manière subsidiaire, pour statuer sur l'ensemble de la succession dans la mesure où le défunt possédait la nationalité de cet État membre au moment du décès ; que ces dispositions, issues du règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, sont d'ordre public et doivent être relevées d'office par le juge ; qu'en l'espèce, il est constant que C... X... avait la nationalité française et qu'il possédait des biens situés en France, de sorte que la cour d'appel aurait dû vérifier sa compétence subsidiaire ; qu'en s'abstenant de le faire, la cour d'appel a violé l'article 10 du règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 » (pt 5, nous soulignons).

La Cour de cassation est ainsi confrontée à la question de savoir si lorsque le juge reconnait la résidence habituelle d'un défunt dans un État tiers, conformément à l'article 4 du règlement (UE) n° 650/2012, doit-il alors, avant de reconnaitre son incompétence, se saisir d'office pour vérifier sa compétence subsidiaire selon l'article 10 en présence d'éléments de rattachement tels que la nationalité du défunt de l'État membre concerné.

Pour rappel, l'article 10 du règlement porte sur les « Compétences subsidiaires » et dispose :
« 1. Lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un État membre, les juridictions de l'État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession dans la mesure où :
a) le défunt possédait la nationalité de cet État membre au moment du décès ; »

L'espèce entrait ainsi parfaitement dans cette disposition : le défunt avait sa résidence habituelle dans un État tiers, toutefois il disposait également de la nationalité française ; ainsi bien que les juridictions du Royaume-Uni fussent compétentes en premier lieu pour connaitre de la succession, le juge français aurait pu fonder sa compétence subsidiaire sur l'article 10 si les requérants l'avaient toutefois invoqué.

Il est donc question de savoir si cet article doit être interprété comme permettant au juge de vérifier d'office sa compétence, c'est-à-dire même si les parties ne l'ont pas invoqué.

Subsidiaire veut-il alors dire facultatif ?

Après avoir observé que « Le règlement ne précise pas si la compétence subsidiaire présente un caractère facultatif » (pt 9), et constaté la présence d'éléments favorables mais également d'éléments allant à l'encontre d'une vérification d'office par le juge de sa compétence subsidiaire, la Cour de cassation constate qu'« il existe un doute raisonnable sur la réponse qui peut être apportée à cette question, qui est déterminante pour la solution du litige que doit trancher la Cour de cassation » (pt 12) et ainsi, elle décide de surseoir à statuer et saisit la Cour de justice de l'UE de la question préjudicielle suivante, conformément à l'article 267 TFUE :

« Les dispositions de l'article 10, point 1 a), du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen doivent-elles être interprétées en ce sens que, lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un État membre, la juridiction d'un État membre dans lequel la résidence habituelle du défunt n'était pas fixée mais qui constate que celui-ci avait la nationalité de cet État et y possédait des biens doit, d'office, relever sa compétence subsidiaire prévue par ce texte ? » (nous soulignons).

Selon la Cour de cassation, les éléments en faveur de l'obligation pour le juge de rechercher d'office sa compétence sur le fondement de l'article 10 serait que le règlement (UE) n° 650/2012 met en place un système global de résolutions des conflits internationaux de juridictions « que les juges des États membres doivent appliquer d'office dès lors que le litige relève du domaine matériel couvert par le texte ». Et que l'article 10 de ce même règlement a pour objet de fixer des critères de compétence dans l'hypothèse où aucune juridiction d'un État membre ne serait compétente au regard de la règle principale énoncée à l'article 4. Ainsi, selon la Cour de cassation, « Il ne serait donc pas logique qu'après avoir relevé d'office la mise en œuvre du règlement pour trancher un conflit de juridiction, les juges puissent écarter leur compétence au profit d'un État tiers, sur le fondement du seul l'article 4, sans avoir à vérifier au préalable leur compétence subsidiaire sur celui de l'article 10. Au contraire, il serait plus cohérent que les juridictions saisies soient tenues de vérifier tous les critères de compétence possibles, dès lors qu'aucun autre État membre n'est compétent, y compris d'office » (pt 10, nous soulignons).

Pour elle « il n'y aurait pas lieu de distinguer l'obligation faite aux juges de rechercher d'office s'ils sont compétents selon que cette compétence résulte de l'article 4 ou de l'article 10 » (pt 10).

Toutefois, la Cour reconnait également que la règle énoncée à l'article 10 est présentée « comme subsidiaire » et, « a pour effet de déroger au principe d'unité des compétences judiciaire et législative qui innerve le règlement (…) Il parait dès lors difficile d'admettre qu'une règle de compétence qualifiée comme subsidiaire, qui déroge aux principes généraux qui servent de fondement au règlement, doit être obligatoirement relevée par les juges, même si les parties ne l'invoquent pas » (pt 11, nous soulignons).

De plus, elle observe que si le règlement prévoit à son article 15 l'obligation pour le juge incompétent de relever d'office son incompétence, il n'existe aucune disposition équivalente en cas de compétence.

Il nous faudra alors attendre le retour de la CJUE afin d'avoir les précisions sur la philosophie du règlement (UE) n° 650/2012 et plus précisément son article 10 permettant alors à la Cour de cassation de trancher le litige.