Recevabilité d’un enregistrement clandestin comme mode de preuve : première application par la chambre sociale
Doit être approuvé l’arrêt rendu par une cour d’appel qui, ayant constaté que la production d’un enregistrement clandestin n'était pas indispensable au soutien des demandes du salarié, a écarté ce mode de preuve.
Dans l’affaire jugée, le salarié a saisi la juridiction prud'homale, à titre principal, aux fins de résiliation de son contrat de travail, en invoquant un harcèlement moral de son employeur dans le contexte du licenciement de son supérieur hiérarchique. Déclaré inapte à son poste de travail le 8 octobre 2018, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 20 décembre 2018.
Devant la cour d'appel, il a demandé qu’une pièce, correspondant à la retranscription de l'entretien du salarié avec les membres du CHSCT désignés pour réaliser une enquête sur l'existence d'un harcèlement moral de l'employeur, soit déclarée recevable.
La Cour de cassation confirme la position des juges du fond concluant à son irrecevabilité, en reprenant à son compte la solution récente de l’assemblée plénière selon laquelle : « dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».
Or, en l’espèce, la cour d’appel a :
- d'une part, relevé que le médecin du travail et l'inspecteur du travail avaient été associés à l'enquête menée par le CHSCT et que le constat établi par le CHSCT dans son rapport d'enquête du 2 juin 2017 avait été fait en présence de l'inspecteur du travail et du médecin du travail ;
- d'autre part, retenu, après avoir analysé les autres éléments de preuve produits par le salarié, que ces éléments laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Cela faisait ressortir que la production de l'enregistrement clandestin des membres du CHSCT n'était pas indispensable au soutien des demandes du salarié.
Ainsi, la chambre sociale montre qu’il sera compliqué pour le salarié, un représentant du personnel (ou l’employeur) de se prévaloir d’enregistrements clandestins, lesquels sont fortement attentatoires à la vie privée, ce qui devrait éviter le développement de pratiques déviantes consistant à multiplier les enregistrements (ou à les interdire formellement).