Propriété artistique : point de départ du délai de prescription en cas de contrefaçon résultant d'une succession d'actes distincts
Lorsque la contrefaçon résulte d'une succession d'actes distincts, qu'il s'agisse d'actes de reproduction, de représentation ou de diffusion, et non d'un acte unique de cette nature s'étant prolongé dans le temps, la prescription court pour chacun de ces actes, à compter du jour où l'auteur a connu un tel acte ou aurait dû en avoir connaissance.
Les auteurs, compositeurs et coéditeurs d'une œuvre musicale, créée pour constituer le générique d'une série de dessins animés et déposée à la SACEM le 10 février 2004, saisissent la justice. Le 6 juin 2018, soutenant que leur œuvre a été copiée par un célèbre groupe de musique dans un de leurs titres figurant dans un album, sorti en 2010, ils ont assigné en contrefaçon de droits d'auteur leurs compositeurs, la société l'ayant produit, les sociétés américaines l'ayant édité, ainsi que la société l'ayant distribué en France.
Pour dire irrecevable comme prescrite l'action en contrefaçon, l'arrêt attaqué constate que l'album comportant le titre litigieux est sorti en 2010 et que, le 30 décembre 2011, les requérants ont mis en demeure les compositeurs de la chanson litigieuse, ainsi que les sociétés concernées de réparer le préjudice causé par la contrefaçon de leur œuvre et en déduit qu'ils avaient eu connaissance dès cette mise en demeure, des faits leur permettant d'exercer l'action en contrefaçon de leurs droits d'auteur, de sorte que leur action, engagée plus de cinq ans après cette date, était prescrite ; peu importe que l'album ait été encore dans le commerce en avril 2018 ou que ce titre ait été encore disponible sur des plateformes de téléchargement en mars 2018, ces actes de commercialisation et de diffusion n'étant que le prolongement normal de ceux réalisés antérieurement.
L'arrêt est annulé par la Cour de cassation, qui se fonde sur l' aux termes duquel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il s'en déduit que lorsque la contrefaçon résulte d'une succession d'actes distincts, qu'il s'agisse d'actes de reproduction, de représentation ou de diffusion, et non d'un acte unique de cette nature s'étant prolongé dans le temps, la prescription court pour chacun de ces actes, à compter du jour où l'auteur a connu un tel acte ou aurait dû en avoir connaissance.
En l'espèce, alors qu'elle avait constaté l'existence d'actes de diffusion de l'œuvre contrefaisante, constitutifs de contrefaçon, antérieurs de moins de cinq années à l'introduction de l'action, la cour d'appel aurait dû en déduire que la prescription courait toujours, donc que l'action des requérants n'était pas prescrite.
Les juges du fond ont à tort considérer que les actes de commercialisation récents n'étaient qu'un prolongement d'un acte initial unique, alors que la Cour de cassation considère chaque acte de diffusion comme un acte de contrefaçon distinct.