Procédure collective : maintien des obligations antérieures du débiteur et distinction entre obligations de faire et de payer
Une procédure collective n'éteint pas les obligations contractées par le débiteur avant son ouverture. Les créanciers conservent ainsi leurs droits, y compris d'obtenir la liquidation d'astreintes prononcées antérieurement. Cependant, une distinction essentielle s'opère entre l'obligation de payer une somme d'argent, que la procédure interrompt généralement, et l'obligation de faire, qui peut toujours être exigée du débiteur poursuivant son activité.
Une société immobilière (SCI) est condamnée à détruire une piscine, remettre les lieux en état et supprimer un auvent, au bénéfice de plusieurs sociétés. Ces travaux n'ayant pas été entièrement réalisés, un jugement ultérieur condamne la SCI à payer une somme d'argent au titre de l'astreinte liquidée et prononce une nouvelle astreinte provisoire. Pendant le délai d'appel, la SCI est placée sous procédure de sauvegarde, avec un mandataire judiciaire désigné. La SCI et son mandataire judiciaire contestent la liquidation de l'astreinte provisoire pour une certaine période.
La Cour de cassation retient que l'action visant à liquider une astreinte prononcée avant l'ouverture de la procédure collective et l'action en condamnation au paiement de l'astreinte liquidée visent à obtenir une décision définitive sur l'existence et le montant de la créance. La Cour confirme donc que la liquidation de l'astreinte était justifiée, même après l'ouverture de la procédure de sauvegarde, et fixe la créance à 15 000 € pour la période concernée.
Que retenir ? Une procédure de sauvegarde, telle qu'une liquidation ou un redressement judiciaire, n'a pas pour effet d'éteindre les obligations contractées par une société avant son ouverture. Les créanciers conservent le droit de poursuivre leurs créances, même si le débiteur fait l'objet d'une telle procédure. Au cas présent, les sociétés lésées ont pu obtenir une condamnation au paiement d'une partie de l'astreinte, malgré l'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société débitrice.
La SCI et son mandataire judiciaire ont également contesté la prononciation d'une nouvelle astreinte provisoire pour la suppression de l'auvent. Le juge de cassation rappelle que, selon l', l'ouverture d'une procédure collective interrompt ou interdit toute action visant à la condamnation au paiement d'une somme d'argent. Cependant, il résulte des articles L. 131-1 et L. 131-2 du Code des procédures civiles d'exécution que l'action en fixation d'une astreinte provisoire, destinée à assurer l'exécution d'une obligation de faire, ne relève pas de cette interdiction. La Cour conclut donc que la procédure de sauvegarde n'empêchait pas la fixation d'une nouvelle astreinte provisoire à l'égard de la société débitrice qui poursuit son activité et peut être contrainte à exécuter ses obligations de faire.
Que retenir ? Il faut distinguer l'obligation de payer une somme d'argent (dette) et l'obligation de faire (exécuter des travaux). Une procédure collective interrompt ou interdit généralement les actions tendant à la condamnation au paiement d'une somme d'argent. En revanche, elle n'empêche pas de contraindre un débiteur à exécuter une obligation de faire. C'est pourquoi les juges ont pu prononcer une nouvelle astreinte provisoire pour contraindre la société débitrice à supprimer l'auvent.
In fine, la Cour rejette le pourvoi de la SCI et de son mandataire judiciaire, confirmant ainsi les décisions antérieures concernant la liquidation de l'astreinte et la fixation d'une nouvelle astreinte provisoire.