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Le juge saisi doit apprécier, de manière concrète, l'existence d'un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige

Jurisprudence

Trois hirondelles ne font pas le printemps ! Mais ces trois arrêts, en date du 20 janvier 2022, rendus par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, témoignent de ce que le contrôle de proportionnalité va son chemin et gagne du terrain (V. à ce sujet, S. Le Gac-Pech, Sauvons le contrôle de proportionnalité de la sanction : JCP G 2016, doctr. 991). Il y est dit que : en matière de liquidation de l'astreinte, le juge saisi doit s'assurer de ce que le montant de l'astreinte liquidée soit raisonnablement proportionné à l'enjeu du litige.

• Dans les deux premiers arrêts (Cass. 2e civ., 20 janv. 2022, n° 19-23.721 et Cass. 2e civ., 20 janv. 2022, n° 20-15.261), dont la motivation est quasi-identique, la Cour de cassation retient que :

- l'astreinte, en ce qu'elle impose, au stade de sa liquidation, une condamnation pécuniaire au débiteur de l'obligation, est de nature à porter atteinte à un intérêt substantiel de celui-ci ; qu'elle entre ainsi dans le champ d'application de la protection des biens garantie par le protocole n° 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le juge qui statue sur la liquidation d'une astreinte provisoire doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu'elle poursuit.

La Cour de cassation prend aussi le soin d'indiquer que, suivant une jurisprudence constante, le juge saisi d'une demande de liquidation ne peut se déterminer qu'au regard des seuls critères prévus à l'article L. 131-4 du Code des procédures civiles d'exécution (V. Cass. 2e civ., 15 mai 2003, n° 01-11.909 : JurisData n° 2003-018953. - Cass. 3e civ., 10 nov. 2016, n° 15-21.949 : JurisData n° 2016-027804 ; Procédures 2017, comm. 4, obs. L. Raschel ; JCP E 2017, 1220, obs. S. Le Gac-Pech). En conséquence de quoi, il ne peut limiter le montant de l'astreinte liquidée au motif :

- que le montant sollicité par le créancier de l'astreinte serait excessif (Cass. 2e civ., 25 juin 2015, n° 14-20.073 : JurisData n° 2015-015777) ;

- qu'il serait trop élevé au regard des circonstances de la cause (Cass. 2e civ., 7 juin 2012, n° 10-24.967) ou de la nature du litige (Cass. 2e civ., 30 janv. 2014, n° 13-10.255 : JurisData n° 2014-001392).

Ont ainsi été cassés, relève la Cour de cassation, l'arrêt d'une cour d'appel qui se référait au caractère « manifestement disproportionné » du montant (Cass. 2e civ., 26 sept. 2013, n° 12-23.900 : JurisData n° 2013-021143 ; Procédures 2013, comm. 332, obs. R. Perrot), de même que celui ayant réduit le montant de l'astreinte liquidée en se fondant sur « l'application du principe de proportionnalité » (Cass. 2e civ., 19 mars 2015, n° 14-14.941 : JurisData n° 2015-006182).

Dès lors, dit la Cour de cassation dans ces deux arrêts en date du 20 janvier 2022, « si l'astreinte ne constitue pas, en elle-même, une mesure contraire aux exigences du protocole en ce que, prévue par la loi, elle tend, dans l'objectif d'une bonne administration de la justice, à assurer l'exécution effective des décisions de justice dans un délai raisonnable, tout en imposant au juge appelé à liquider l'astreinte, en cas d'inexécution totale ou partielle de l'obligation, de tenir compte des difficultés rencontrées par le débiteur pour l'exécuter et de sa volonté de se conformer à l'injonction, il n'en appartient pas moinsau juge saisi d'apprécier encore, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige ».

• C'est ce même raisonnement qui apparaît en filigrane dans le troisième arrêt de la Cour de cassation (Cass. 2e civ., 20 janv. 2022, n° 19-22.435). Dans cette affaire un copropriétaire, avait été condamné à détruire un cellier et à cesser l'activité de toilettage pour chiens qui était exercée sur place, et ce, pour chaque obligation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Pour liquider l'astreinte, l'arrêt attaqué avait :

- retenu que la démolition du cellier était encore imparfaite, et que l'incidence des périodes estivales n'était pas une cause déterminante de l'inexécution, de sorte qu'en l'absence de toute bonne foi de la part des débiteurs de l'obligation, le principe d'une suppression de la pénalité n'était pas envisageable ;

- relevé des points positifs dans le comportement des intéressés puisque l'activité de toilettage pour chiens avait été interrompue et le cellier était partiellement démonté ;

- et admis, qu'en raison de l'absence de limitation de l'astreinte dans le temps, la durée à prendre en compte au titre de la liquidation, certes liée aux mauvais choix stratégiques et procéduraux des débiteurs des obligations, rendait nécessaire d'opérer un contrôle de proportionnalité afin d'éviter, par le prononcé d'une condamnation quasi confiscatoire, une atteinte injustifiée au droit de propriété.

Selon la Cour de cassation : « en l'état de ces constatations et énonciations, dont il résulte qu'elle a pris en compte tant le comportement des débiteurs de l'obligation que les difficultés auxquelles ils s'étaient heurtés pour l'exécuter, et qu'elle s'est assurée que le montant de l'astreinte liquidée était raisonnablement proportionné à l'enjeu du litige, la cour d'appel, qui n'avait pas à prendre en considération les facultés financières des débiteurs, a, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, liquidé l'astreinte au montant qu'elle a retenu ».

• On remarquera la clarté et le ton de fermeté qui jaillissent de ces trois décisions. Et c'est sans doute la première fois que la Cour de cassation :

- assimile l'astreinte judiciaire aux biens protégés par le Protocole additionnel n° 1 à la CESDH (sur la question, V. JCl. Europe Traité, fasc. 6523) ;

- retient la nécessité d'un contrôle de proportionnalité de la part des juges statuant sur une demande de liquidation d'une astreinte.

En effet, jusqu'ici, elle s'était contentée d'appliquer à la lettre, et de manière rigoriste, l'article L. 131-4 du Code des procédures civiles d'exécution (V. Cass. 2e civ., 15 mai 2003, n° 01-11.909, préc. - Cass. 3e civ., 10 nov. 2016, n° 15-21.949, préc.). Désormais, le juge de la liquidation de l'astreinte doit rechercher et assurer le juste équilibre entre les intérêts en présence. En statuant ainsi, la Cour de cassation s'inscrit dans ce mouvement jurisprudentiel tendant à donner plus de vitalité au contrôle de proportionnalité (V. par exemple : Cass. 2e civ., 9 sept. 2021, n° 20-13.662, B + R : JurisData n° 2021-013754,proportionnalité des sanctions du non-respect des exigences procédurales. - Cass. 1re civ., 21 nov. 2018, n° 17-21.095, P + B : JurisData n° 2018-020706, en matière de filiation. - Cass. 3e civ., 19 déc. 2019, n° 18-25.113, FS-P + B + I, A c/ B. : JurisData n° 2019-023756, mesure de démolition). N'est-ce pas un gain d'excellence pour les justiciables, friands de sécurité juridique ? Dira-t-on que la Cour de cassation fait encore preuve d'un « culte de la proportionnalité » d'un « brin disproportionné » ? (Sur la question, V. A. Benabent : D. 2016, p. 137).