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Le juge saisi de l'annulation d'une sentence n'est pas limité par les éléments de preuve produits devant les arbitres ni lié par leurs constatations, appréciations et qualifications

Jurisprudence

La Cour de cassation est venue, dans un arrêt du 23 mars 2022 particulièrement motivé, préciser l'étendue des pouvoirs du juge lorsque celui-ci, saisi d'un recours en annulation, contrôle si la reconnaissance ou l'exécution d'une sentence respecte l'ordre public international.

Suivant la position de la cour d'appel, la Cour de cassation a confirmé que la recherche du juge « n'était ni limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par eux ».

En l'espèce, à la suite d'un appel d'offres, un citoyen letton avait acquis une banque kirghize en 2007. Après un changement de régime politique survenu en avril 2010 en République du Kirghizistan, la banque a été placée sous administration provisoire, puis sous séquestre jusqu'au prononcé de son insolvabilité en juillet 2015. Le citoyen letton a alors introduit un arbitrage ad hoc sur le fondement du TBI Lettonie-Kirghizistan et du règlement d'arbitrage CNUDCI. Estimant qu'en l'absence de caractérisation de blanchiment d'argent par une expertise et une procédure pénale, cette situation s'apparentait à une expropriation déguisée, le tribunal arbitral a condamné l'État à payer, notamment, au propriétaire exproprié la somme de 15 millions de dollars.

L'État kirghize a alors formé un recours en annulation de la sentence rendue. Par un arrêt du 21 février 2017, la cour d'appel de Paris, contrôlant la sentence arbitrale au regard de l'ordre public international, a annulé la sentence reconnaissant des faits de blanchiment et estimant que le contrôle exercé par le juge n'étant pas limité aux éléments de preuve produits devant les arbitres, celui-ci n'était pas lié par les constatations, appréciations et qualifications opérées par les arbitres :

« Considérant que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence entreprise, qui aurait pour effet de faire bénéficier M. B. du produit d'activités délictueuses, viole de manière manifeste, effective et concrète l'ordre public international ; qu'il convient donc de prononcer l'annulation sollicitée ».

Le citoyen letton a alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Pour rappel, le recours en annulation contre une sentence n'est ouvert en matière d'arbitrage international que dans 5 cas limitativement énumérés par l'article 1520 du CPC, à savoir :

« Le recours en annulation n'est ouvert que si :
1° Le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent ; ou
2° Le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué ; ou
3° Le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ; ou
4° Le principe de la contradiction n'a pas été respecté ; ou
5° La reconnaissance ou l'exécution de la sentence est contraire à l'ordre public international. »

C'est pour ce dernier cas de figure que l'État kirghize avait formé un recours en annulation contre la sentence, estimant que la banque avait été acquise pour constituer un outil de blanchiment d'argent et qu'ainsi la sentence était contraire à l'ordre public international. En ce cas, la jurisprudence exige alors que la violation par la sentence à l'ordre public international soit « manifeste, effective et concrète ».

En matière de corruption, la jurisprudence est venue préciser les contours du contrôle alors exercé par le juge, contrôle ainsi résumé par E. Gaillard : « L'objet du contrôle opéré par le juge français au titre du respect de l'ordre public international de lutte contre la corruption tient en une formule simple. Celui-ci doit s'assurer que l'exécution de la sentence ne permette pas à une partie de retirer les bénéfices d'un pacte corruptif, ou, plus généralement, d'activités délictueuses » (JDI 2017, comm. 20, reprenant la jurisprudence établissant les contours de l'office du juge en la matière).

Dans cet arrêt, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris (CA Paris, 21 févr. 2017, n° 15/01650 : JurisData n° 2017-029841) et précise dans le même temps les contours du contrôle opéré par le juge. Elle semble également redessiner la notion de violation par la sentence de l'ordre public international.

Tout d'abord, la Cour de cassation rappelle que la prohibition du blanchiment d'argent relève bien de l'ordre public international, sa reconnaissance faisant l'objet d'un « consensus international exprimé notamment dans la Convention des Nations Unies contre la corruption conclue à Mérida » (pt 7). Il appartient dès lors au juge de « rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence était de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, telles que définies par la convention de Mérida » (pt 8).

Après l'objet de ce contrôle, la Cour poursuit sur l'étendue des pouvoirs du juge. Par une motivation détaillée et reprenant la cour d'appel, elle précise que la recherche pour la défense de l'ordre public international (et donc la lutte contre le blanchiment) n'est « ni limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par eux, [le seul office du juge] à cet égard consistant à s'assurer que la production des éléments de preuve devant elle respectait le principe de la contradiction et celui d'égalité des armes » (pt 9).

Ainsi, la cour d'appel s'affranchissant des « éléments de preuve produits devant les arbitres » a correctement analysé les faits suivants pour estimer qu'il existait des « indices graves, précis et concordants » que la banque kirghize avait été reprise en vue « de développer (…) des pratiques de blanchiment » (pt 10) : les relations entre le citoyen letton et le président kirghize avant le changement de régime), les conditions d'acquisition de la banque, les contrôles opérés sur celle-ci, mais aussi les relations de la banque avec une autre banque dont le capital était détenu par le citoyen letton, mais aussi le volume et la structure des opérations réalisées par la banque.

De ces observations, la Cour de cassation estime que la cour d'appel « en a exactement déduit que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence, qui aurait pour effet de faire bénéficier M. du produit d'activités délictueuses violait de manière caractérisée l'ordre public international » (pt 11).

Enfin, à noter,après avoir reprécisé les contours de la compétence du juge de l'annulation, la Cour entend également dessiner la notion de violation à l'ordre public international. En effet, reconnaissant l'existence de celle-ci, elle semble s'attacher désormais à une violation « de manière caractérisée » (pt 11) et non plus de « manière manifeste » à l'ordre public international. À suivre.