L'assuré passager victime peut désormais être indemnisé, même s'il a laissé conduire son véhicule à une personne sans permis
Par un
En l'espèce, un homme circulait sans permis, sous l'influence de l'alcool et de stupéfiants. Il a perdu le contrôle du véhicule qu'il conduisait, assuré auprès d'une société d'assurance, et son passager a été blessé. Le tribunal correctionnel a déclaré le conducteur coupable des chefs de blessures involontaires aggravées, conduite sans permis et défaut de maîtrise, et a retenu qu'il était entièrement responsable du préjudice subi par son passager.
Par jugement ultérieur sur les intérêts civils, le tribunal a déclaré recevable l'intervention volontaire du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) et a accueilli l'exception d'exclusion de garantie opposée par la société d'assurance. Par la suite, la cour d'appel a déclaré l'exclusion de garantie de l'assureur recevable et a débouté le FGAO de sa demande de mise hors de cause. Pour se prononcer ainsi, elle a notamment souligné que si une telle exclusion de garantie n'est pas, en principe, opposable à la victime, elle le devient lorsqu'elle s'est elle-même mise dans la situation exclusive de garantie.
Le FGAO forme un pourvoi en cassation.
Au visa des articles R. 211-10, 1°, R. 211-13, 4°, du Code des assurances et , la Cour casse et annule l'arrêt de la cour d'appel, et fait évoluer sa jurisprudence. Elle rappelle, tout d'abord, la teneur de ces dispositions :
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Il résulte des textes du Code des assurances que les clauses du contrat d'assurance automobile prévoyant une exclusion de garantie lorsque, au moment du sinistre, le conducteur n'a pas l'âge requis ou ne possède pas les certificats exigés en état de validité pour la conduite du véhicule, ne sont pas opposables aux victimes ;
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Selon l', dont les dispositions sont d'ordre public, l'exception fondée sur une cause de nullité ou sur une clause du contrat d'assurance tendant à mettre l'assureur hors de cause n'est recevable que si elle est de nature à exonérer totalement celui-ci de son obligation de garantie à l'égard des tiers.
Par le passé, la Cour jugeait que ces clauses d'exclusion étaient, par exception, opposables à la victime qui, souscriptrice du contrat d'assurance, avait laissé conduire son véhicule par une personne qu'elle savait ne pas être titulaire du permis de conduire et s'était donc elle-même placée, en connaissance de cause, dans une situation exclusive de la garantie (
Néanmoins, cette solution n'apparaît pas conforme aux articles 3, § 1, et 13, § 1 et 2 de la directive concernant l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité (PE et Cons. UE, dir. 2009 /103/CE, 16 sept. 2009, art. 3 et 13).
En effet, selon l'article 13 de la directive, toute disposition légale ou clause contractuelle contenue dans une police d'assurance qui exclut de sa garantie la conduite de véhicules par des personnes non titulaires d'un permis les y autorisant doit être réputée sans effet, en ce qui concerne le recours des tiers lésés à la suite d'un accident. En outre, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) que le fait qu'une personne était assurée pour conduire le véhicule ayant causé l'accident ne permet pas de la priver de la qualité de tiers lésé au sens de cet article 13, dès lors qu'elle était passagère, et non conductrice, de ce véhicule (
En conséquence, les doivent être interprétés en ce qu'ils rendent inopposables à l'assuré passager victime les clauses exclusives de garantie lorsque le conducteur, au moment du sinistre, n'avait pas l'âge requis ou ne possédait pas les certificats exigés pour conduire le véhicule. Le fait, pour l'assuré, d'avoir laissé en connaissance de cause conduire son automobile par une personne non titulaire du permis de conduire ne peut le priver de la qualité de tiers lésé au sens de la directive précitée.
A retenir : Par l'arrêt rapporté, la Cour de cassation vient élargir la protection des passagers blessés dans un véhicule conduit par une personne sans permis. Désormais, les compagnies d'assurance ne pourront plus invoquer une clause d'exclusion de garantie pour refuser d'indemniser les victimes, même si elles savaient que le conducteur n'avait pas le permis. Dit autrement, les passagers blessés dans un véhicule conduit par une personne sans permis pourront systématiquement bénéficier de l'indemnisation prévue par leur contrat d'assurance, quelle que soit leur connaissance préalable de la situation.