accordion-iconalert-iconarrow-leftarrowarticleShowedbacktotopCreated with Sketch. bookmarkcall-iconcheckchecked-iconclockclose-grcloseconnexion-iconfb-col fb-footer-iconfb-iconfb feedMark__icon--radiofeedMark__icon--starPage 1Created with Avocode.filterAccordion-arrowgoo-col headerBtn__icon--connecthomeinfo-blueinfo insta-1 instalank2IconCreated with Avocode.lglasslink-2linklink_biglinkedin-footer-iconlinkedin-iconlinkedin Svg Vector Icons : http://www.onlinewebfonts.com/icon lock-bluelockmail-bluemail-iconmailnot_validoffpagenavi-next-iconpdf-download-iconplus print-iconreadLaterFlagrelatedshare-icontagsLink-icontop-pagetw-col tw-footer-icontw-icontwitter unk-col user-blueuseruserName__icon--usernamevalidyoutube-footer-iconyoutube Svg Vector Icons : http://www.onlinewebfonts.com/icon
Offert

La CEDH développe une boîte à outils pour apprécier la régularité de la procédure de nomination des juges nationaux

Jurisprudence

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), dans un arrêt de grande chambre du 1er décembre 2020, présente une démarche, en 3 étapes, pour rechercher si des irrégularités dans une procédure de nomination d'un juge sont d'une gravité telles qu'elles emportent violation du droit à un tribunal établi par la loi.

Le requérant islandais soutient que la nouvelle cour d'appel islandaise n'était pas « un tribunal établi par la loi » en raison d'irrégularités dans la nomination de l'un des juges ayant siégé dans son procès. Cette affaire donne à la grande chambre l'occasion d'affiner et clarifier le sens à donner à la notion de « tribunal établi par la loi », notamment en recherchant comment les éléments constitutifs de cette notion devraient être interprétés. Elle lui permet également de présenter une « boîte à outils » afin d'aider la Cour, et les juridictions nationales pour rechercher si des irrégularités dans telle ou telle procédure de nomination d'un juge sont d'une gravité telle qu'elles emportent violation du droit à un tribunal établi par la loi

  • Sur la portée de l'exigence d'un « tribunal établi par la loi »

La Cour rappelle d'abord la définition de ces 3 termes :
- un « tribunal » : cette notion se caractérise par sa fonction juridictionnelle et doit satisfaire une série d'exigences (indépendance, impartialité, durée du mandat de ses membres). Il est inhérent à cette notion que le tribunal se compose de juges sélectionnés sur la base du mérite au bout d'un processus rigoureux pour s'assurer de la nomination à ces fonctions des candidats les plus qualifiés Plus le tribunal se situe à un niveau élevé dans la hiérarchie juridictionnelle, plus les critères de sélection applicables devraient être exigeants. Les juges non professionnels peuvent être soumis à des critères de sélection différents, en ce qui concerne en particulier les compétences professionnelles requises ;
- « établi » : cette exigence vise à préserver le pouvoir judiciaire de toute influence extérieure irrégulière émanant en particulier du pouvoir exécutif ;
- « par la loi » : l'exigence d'un « tribunal établi par la loi » veut aussi dire un « tribunal établi conformément à la loi ». La seule préoccupation ici consiste à veiller à ce que le droit interne pertinent en matière de nomination des juges soit libellé en des termes aussi peu équivoques que possible, de manière à empêcher toute ingérence arbitraire, notamment de la part du pouvoir exécutif.

La Cour insiste également sur les relations étroites entre les exigences d'indépendance, d'impartialité et d'un « tribunal établi par la loi ». L'examen sous l'angle de l'exigence d'un « tribunal établi par la loi » ne doit pas perdre de vue le but commun que partagent les garanties d'« indépendance » et d'« impartialité », c'est-à-dire le respect des principes fondamentaux de la prééminence du droit et de la séparation des pouvoirs. Il faut donc rechercher systématiquement si l'irrégularité alléguée dans une affaire donnée était d'une gravité telle qu'elle a porté atteinte aux principes fondamentaux susmentionnés et compromis l'indépendance de la juridiction en question. L'« indépendance » ici évoquée est celle qui, d'un point de vue personnel et institutionnel, est nécessaire à toute prise de décision impartiale, et elle désigne aussi bien :
- un état d'esprit qui dénote l'imperméabilité du juge envers toute pression extérieure en tant qu'attribut de son intégrité morale,
- qu'un ensemble de dispositions institutionnelles et fonctionnelles – qui comprend à la fois une procédure permettant de nommer les juges d'une manière qui assure leur indépendance et des critères de sélection fondés sur le mérite.

  • Le critère du seuil de gravité

La Grande Chambre approuve la logique et la teneur générale du critère de la « violation flagrante » instauré par la chambre. Cependant elle décide de ne pas appliquer le même et présente une démarche en 3 critères cumulatifs.

La première étape. Il doit exister, en principe, une violation manifeste du droit interne (objectivement et réellement reconnaissable en tant que telle). La Cour s'en remet en général à l'interprétation que les juridictions nationales livrent, sauf si la violation est « flagrante » – c'est-à-dire sauf si leur conclusion peut être regardée comme arbitraire ou manifestement déraisonnable. Toutefois, l'absence d'une violation manifeste n'exclut pas en elle-même la possibilité d'une violation du droit à un tribunal établi par la loi. Il peut exister des circonstances dans lesquelles une procédure de nomination d'un juge qui est a priori conforme aux règles internes pertinentes n'en emporte pas moins des conséquences qui sont incompatibles avec l'objet et le but de ce droit conventionnel. En pareil cas, elle doit poursuivre son examen sous l'angle des deuxième et troisième étapes de la démarche.

La deuxième étape. La violation doit s'analyser à la lumière de l'objet et du but de l'exigence d'un « tribunal établi par la loi » qui sont : veiller à ce que le pouvoir judiciaire puisse s'acquitter de sa mission à l'abri de toute ingérence injustifiée. Ainsi, seules les atteintes qui touchent les règles fondamentales de la procédure de nomination des juges (i.e. celles qui videraient de sa substance même le droit à un tribunal établi par la loi) sont de nature à emporter violation de ce droit. La Cour indique qu'il faut tenir compte, à cet égard, du but que poursuivait la loi qui a été enfreinte (i.e.) rechercher si la loi en question visait à empêcher toute ingérence injustifiée de l'exécutif. En conséquence, les violations de pure forme qui n'auraient aucune incidence sur la légitimité du processus de nomination doivent être considérées comme n'atteignant pas le niveau de gravité requis.

La troisième étape de la démarche. Le contrôle opéré par les juridictions nationales joue un rôle important afin de déterminer si cette atteinte emporte violation du droit à un tribunal établi par la loi. Il constitue une étape de la démarche elle-même. Il doit être exercé sur la base des normes pertinentes de la Convention en mettant correctement en balance les intérêts concurrents. La Cour insiste sur la nécessité de ménager un équilibre de manière à déterminer s'il existe un besoin impérieux (de nature substantielle et impérative) de s'écarter des principes de la sécurité juridique et de l'inamovibilité des juges, s'ils sont pertinents au regard des circonstances particulières de l'affaire. Si le contrôle interne a été conforme à la Convention et si les conclusions qui s'imposaient ont été tirées, il faudra de bonnes raisons à la Cour pour substituer son appréciation à celle du juge national.

La Cour indique également que :
- l'absence d'un délai précis au-delà duquel une irrégularité dans la procédure de nomination ne pourra plus être contestée n'aurait pas pour conséquence en pratique de rendre les nominations indéfiniment contestables ;
- plus le temps s'écoulera, plus la préservation de la sécurité juridique jouera en faveur du droit du justiciable à un « tribunal établi par la loi » dans la mise en balance à opérer ;
- il faudra aussi tenir compte aussi des difficultés en matière de preuve que feraient naître l'écoulement du temps ainsi que des délais légaux pertinents dont le droit interne des Parties contractantes pourrait assortir les contestations de cette nature.

En l'espèce, compte tenu de la démarche en trois étapes qu'elle a élaborée, la Cour juge que le droit du requérant à un « tribunal établi par la loi » a été violé à raison de la participation à son procès d'une juge dont la procédure de nomination avait été viciée par de graves irrégularités qui ont porté atteinte à la substance même du droit en question.