Discrimination au travail : l'utilisation du « référé probatoire » peut contraindre l'employeur à fournir des éléments permettant de l'établir
Ni l'aménagement de la charge de la preuve en matière de discrimination prévu par le Code du travail, ni le droit au respect de la vie personnelle du salarié ne font obstacle à la mise en œuvre de l' qui permet d'ordonner à l'employeur, en référé, la production de documents de nature à établir l'existence d'une discrimination à l'encontre d'un salarié.
Rapporter la preuve d'une discrimination au travail n'est pas toujours aisé, en dépit de l'aménagement de la charge de la preuve prévu en la matière par le Code du travail, le salarié se trouvant bien souvent confronté à la difficulté d'accéder à des éléments de preuve que seul l'employeur détient. Pourtant, des moyens existent, via la justice, pour permettre au demandeur d'accéder aux éléments que ce dernier refuserait de lui communiquer. Invoquer l' (CPC) est l'un d'eux, un arrêt rendu le 22 septembre 2021 par la chambre sociale en fournissant une nouvelle illustration. L'occasion de rappeler que la finalité de la procédure prévue par cet article n'est pas limitée à la conservation des preuves mais peut aussi tendre à leur établissement, et permettre ainsi à une partie de découvrir les preuves permettant de fonder sa démonstration.
L' : un instrument juridique permettant d'accéder aux preuves de la discrimination. - S'estimant victime de discriminations, notamment syndicale, un salarié titulaire de différents mandats saisit la formation de référé de la juridiction prud'homale pour obtenir, sur le fondement de l', la communication par la société d'un certain nombre d'informations lui permettant de procéder à une comparaison utile de sa situation avec celle de ses collègues de travail. Débouté en appel de sa demande de communication de pièces sous astreinte formée contre la société, il se pourvoit en cassation. Une initiative couronnée de succès puisque les juges du droit cassent et annulent la décision rendue par les magistrats du fond, qui statuaient en référé.
Dans son arrêt la Cour rappelle que, selon les termes de l', « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ». Il en résulte, pour les juges du droit, que la procédure prévue par cet article ne peut être écartée en matière de discrimination au motif de l'existence d'un mécanisme probatoire spécifique résultant des dispositions de l', selon lesquelles : lorsque survient un litige quant au respect du principe de non-discrimination, le salarié qui se considère victime doit présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ; au vu de ces éléments, l'employeur doit alors prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; le juge forme ensuite sa conviction après avoir ordonné, au besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.
La vie privée : pas un obstacle à la communication des éléments demandés. - Pour la Cour de cassation, par ailleurs, il s'évince des
Il appartient dès lors au juge saisi d'une demande de communication de pièces sur le fondement de l' :
- d'abord, de rechercher si cette communication n'est pas nécessaire à l'exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi et s'il existe ainsi un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ;
- ensuite, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d'autres salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l'exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitées.