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Cumul de qualifications dans le cadre de poursuites concomitantes : la Cour de cassation infléchit sa jurisprudence

Jurisprudence

Dans un arrêt du 15 décembre 2021, la Cour de cassation a infléchi sa jurisprudence en cas de cumul de qualifications pour des mêmes faits dans le cadre de poursuites concomitantes.
La chambre criminelle décide désormais de réserver l'interdiction de cumuler les qualifications lors de la déclaration de culpabilité à deux hypothèses, lorsque l'une de ces qualifications - telles qu'elles résultent du texte d'incrimination – correspond à un élément constitutif ou à une circonstance aggravante de l'autre et lorsque l'une des qualifications retenues incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction.
En dehors de ces deux situations, le cumul de qualifications reste possible, même en présence de faits identiques.

À l'issue d'une information judiciaire, une personne avait été renvoyée devant le tribunal correctionnel des chefs de faux et usage de faux pour avoir falsifié deux attestations notariées ainsi que le certificat de dépôt judiciaire et fait usage de ces documents au préjudice d'un notaire et d'un couple d'associés d'une société. Le prévenu était également poursuivi du chef d'escroquerie pour avoir produit ces fausses attestations et ce faux certificat de dépôt judiciaire afin de tromper ce couple pour les déterminer à vendre leurs parts dans la société (ces derniers ne disposant pas de réelles garanties de recevoir le paiement intégral du prix de vente).

Le tribunal correctionnel avait déclaré le prévenu coupable de l'ensemble ces infractions, mais ce dernier, le procureur de la République et certaines parties civiles avaient formé appel de cette décision.

Pour confirmer la décision des premiers juges, la cour d'appel avait énoncé que ces délits sanctionnent la violation d'intérêts distincts et comportent des éléments constitutifs différents.

Le pourvoi critiquait cette solution en ce qu'elle méconnaissait le principe de non bis in idem. Pour justifier sa demande, le demandeur se fondait sur la jurisprudence de la Cour de cassation et rappelait notamment que les faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, à deux déclarations de culpabilité de nature, fussent-elles concomitantes.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et rappelle que les juges du fond n'ont pas méconnu le principe non bis in idem (garanti en droit conventionnel par les articles 4 du protocole 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et consacré en droit interne par l'article 6 du Code de procédure pénale).

Pour la chambre criminelle, la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des infractions n'exclut pas la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre. Pour elle, il résulte des articles 313-1 et 441-1 du Code pénal qu'aucune de ces infractions n'est un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'une des autres. En effet, l'article 313-1, qui incrimine l'escroquerie, vise les manœuvres frauduleuses et non spécifiquement le faux ou l'usage de faux comme élément constitutif de ce délit.

Dans cette décision, la Cour de cassation prend soin d'expliquer sa solution à la lumière de la jurisprudence antérieure et des décisions rendues en droit européen et en droit interne.

Dans le cas de poursuites concomitantes, la chambre criminelle précise qu'en l'absence de texte définissant l'office du juge pénal dans l'hypothèse d'un concours de qualifications pour une même action répréhensible, la Cour de cassation, au visa du principe ne bis in idem, avait jugé qu'un même fait autrement qualifié ne pouvait donner lieu à plusieurs déclarations de culpabilité (Cass. crim., 13 janv. 1953, Bull. crim., 1953 n° 12).

L'application de cette règle n'avait donné lieu à aucune jurisprudence constante et uniforme, d'autres critères, comme celui des intérêts sociaux protégés, ayant ultérieurement été pris en compte.

Or, pour rationaliser le droit applicable, la chambre criminelle indique qu'elle avait posé le principe selon lequel des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes (Cass. crim., 26 oct. 2016, n° 15-84.552).

Cette règle prétorienne, qui s'inspire de la jurisprudence européenne (CEDH, gde ch., 10 févr. 2009, n° 14939/03, Serguei Zolotoukhine c. Russie) posait ainsi un cadre général de règlement des conflits de qualification.

Pour autant, même si elle permettait d'assurer le même traitement aux personnes poursuivies pour un comportement répréhensible sous plusieurs qualifications, que ce soit à l'occasion d'une même procédure ou lors de procédures successives, son application n'était pas complètement satisfaisante.

Elle pouvait conduire à ce que certains plaignants, qui étaient recevables à se constituer partie civile pour l'un des faits poursuivis, ne puissent obtenir réparation en l'absence de préjudice en relation avec la seule qualification retenue (la Cour de cassation ayant jugé que les droits de la partie civile ne peuvent être exercés que par les personnes justifiant d'un préjudice résultant de l'ensemble des éléments constitutifs de l'infraction visée à la poursuite, Cass. crim., 21 nov. 2018, n° 17-81.096).

Cette jurisprudence ne permettait pas non plus de toujours réprimer l'action délictueuse de la façon la plus adaptée aux faits de l'espèce et à la situation personnelle de l'auteur des faits. Elle faisait obstacle à ce que le juge individualise la peine en prononçant une peine complémentaire réprimant une infraction non retenue, telle la confiscation du patrimoine ou une peine d'interdiction professionnelle permettant de prévenir la récidive de l'infraction.

Enfin, même si la Cour de cassation avait déjà infléchi sa jurisprudence dans des hypothèses où seul le cumul des chefs de poursuite permet d'appréhender l'action délictueuse dans toutes ses dimensions (Cass. crim., 16 avr. 2019, n° 18-84.073 ; Cass. crim., 31 mars 2020, n° 19-83.938), le choix d'une seule qualification ne permettait pas toujours d'appréhender l'action délictueuse dans toutes ses dimensions. En effet, l'abandon de l'une des qualifications en présence pouvait avoir pour conséquence d'occulter un intérêt auquel l'action délictueuse a porté atteinte ou une circonstance de cette action, alors que la volonté de protéger cet intérêt ou de réprimer cette circonstance avait déterminé le législateur à incriminer le comportement considéré.

Pour la Cour de cassation, une telle jurisprudence n'était donc pas satisfaisante. Restait donc à savoir si une évolution de la jurisprudence était possible. À cette question, la Cour de cassation répond par l'affirmative.

Elle rappelle en effet que la Cour européenne des droits de l’homme admet que des faits identiques puissent faire l'objet de poursuites successives dès lors que celles-ci, prévisibles, unies par un lien matériel et temporel suffisamment étroit, s'inscrivent dans une approche intégrée et cohérente du méfait en question et permettent de réprimer les différents aspects de l'acte répréhensible, à condition qu'elles ne génèrent pas d'inconvénient supplémentaire pour la personne poursuivie, ne conduisent pas à lui faire supporter une charge excessive, et se limitent à ce qui est strictement nécessaire au regard de la gravité de l'infraction (CEDH, 8 oct. 2020, n° 67334/13, Bajcic c. Croatie ; CEDH, 31 août 2021, n° 45512/11, Galovic c. Croatie).

Pour la Cour de cassation, le législateur, en prévoyant plusieurs qualifications susceptibles de s'appliquer à un même fait, entend en plus réprimer différents aspects de l'action délictuelle, de telle sorte que, sauf exception, leur cumul au cours d'une même procédure permet d'appréhender cette action dans toutes ses dimensions. Ce cumul est donc prévisible dès lors que les éléments constitutifs de chaque infraction sont définis par la loi.

La Cour de cassation précise en outre que l'article 132-3 du Code pénal limite la sanction pénale au maximum légal le plus élevé, lorsque le prévenu encourt plusieurs peines de même nature (seules les peines d'amende pour contraventions sont susceptibles d'être cumulées entre elles et avec celles encourues ou prononcées pour des délits en concours, en application de l'article 132-7 du Code pénal).

La Cour de cassation ajoute aussi que l'article 485-1 du Code de procédure pénale qui consacre sa jurisprudence antérieure, exige désormais que les peines principales et complémentaires prononcées par les juges soient motivées au regard de la gravité des faits, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de leur auteur en tenant compte des éléments concrets de l'espèce (Cass. crim., 8 mars 2017, n° 15-87.422 ; Cass. crim., 27 juin 2018, n° 16-87.009 ; Cass. crim., 11 mai 2021, n° 20-85.576).

La Cour de cassation estime ainsi que l'interdiction de cumuler les qualifications lors de la déclaration de culpabilité doit être réservée, outre à la situation dans laquelle la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des infractions exclut nécessairement la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre, aux cas où un fait ou des faits identiques sont en cause et où l'on se trouve dans l'une des deux hypothèses suivantes.

Dans la première, l'une des qualifications, telles qu'elles résultent des textes d'incrimination, correspond à un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre, qui seule doit alors être retenue.

Dans la seconde, l'une des qualifications retenues, dite spéciale, incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction, dite générale.

Cette solution de principe doit être mise en perspective avec un autre arrêt rendu le même jour (Cass. crim., 15 déc. 2021, n° 20-85.924, FP-B) dans lequel la Cour de cassation indique que le moyen tiré de la violation du principe de non bis in idem, invoqué à l'occasion de poursuites concomitantes, la première fois devant elle, doit être déclaré irrecevable.