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Caractère diffamatoire d’un lien hypertexte : le juge doit nécessairement examiner les éléments extrinsèques

Jurisprudence

La Cour de cassation, dans un arrêt du 1er septembre 2020, s’est prononcée sur l’appréciation par les juges du caractère diffamatoire d’un lien hypertexte. Elle précise également les règles de prescription en cas de réactivation d'un site Internet via un lien hypertexte. 

Alternative libertaire a mis en ligne, le 20 février 2017, sur son site Internet, un communiqué indiquant l’exclusion d’un de ses membres à la suite d’une accusation de viol. La CNT, dont le membre exclu était adhérent, a publié, le 5 mars de la même année, un texte se référent à ce communiqué dans lequel elle critique les procédures internes d’Alternative libertaire et indiquant que les éléments qu’elles possèdent ne la conduisent pas à la même conclusion s’agissant des faits de viol. Elle fait également état de deux membres du groupe Alternative libertaire également accusés de viol mais qui n’avaient pas été exclus. Le 9 mars, ces deux textes ont été reproduits intégralement sur un site Internet tiers, introduits par le titre « Accusé de viol, A. X provoque une crise chez les antifas ». Le même jour, une élue locale a mis en ligne, sur son compte Facebook, un lien hypertexte renvoyant à cette publication, précédé notamment des mots « « Où un groupuscule **antifa** qui fait régner sa loi à Metz se justifie de couvrir son chef accusé de viol... en accusant le groupuscule antifa qui le dénonce de couvrir... deux violeurs dans leurs rangs. On en rirait, si le fond n’était pas aussi grave ».

Le 27 mais 2017, le membre d’Alternative libertaire qui a été exclu porte plainte et se constitue partie civile du chef de diffamation publique à raison du seul texte émanant d’Alternative libertaire, mais en ce qu’il avait été reproduit ultérieurement sur divers sites, dont celui de l’élue locale. Elle a été déclarée coupable.

  • Sur la prescription de l’action publique

Les poursuites ayant été engagées le 27 mai 2017, soit plus de 3 mois après la première mise en ligne de l’écrit litigieux, le 20 février 2017, le lien hypertexte incriminé, qui y renvoie, inséré le 9 mars 2017, a-t-il pu faire courir un nouveau délai de prescription ? oui répond la Cour. Explications.

Lorsque des poursuites pour diffamation et injures publiques sont engagées à raison de la diffusion d’un message sur Internet, le point de départ du délai de prescription de l’action publique doit être fixé à la date du premier acte de publication (L. 29 juill. 1881, art. 65). Cette date est celle à laquelle le message été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau (Cass. crim., 16 oct. 2001, n° 00-85.728). À l’égard de publications réalisées sur papier, le fait de publication étant l’élément par lequel les infractions sont consommées, toute reproduction dans un écrit rendu public d’un texte déjà publié est elle-même constitutive d’infraction. Le point de départ de la prescription, lorsqu’il s’agit d’une publication nouvelle, est fixé au jour de cette publication (Cass. crim., 8 janv. 1991, n° 90-80.593). Il en de même pour les rediffusions à la radio ou à la télévision (Cass. crim., 8 juin 1999, n° 98-84.175).

Sur Internet, ce principe est le même. La Cour l’applique au cas d’une nouvelle mise à disposition du public d’un contenu litigieux précédemment mis en ligne sur un site Internet dont le titulaire a volontairement réactivé le site sur Internet, après l’avoir désactivé : elle juge qu’il s’agit d’une reproduction faisant courir un nouveau délai de prescription (Cass. crim., 7 févr. 2017, n° 15-83.439). La simple adjonction d’une seconde adresse pour accéder à un site existant ne saurait caractériser un nouvel acte de publication de textes figurant déjà à l’identique sur ce site (Cass. crim., 6 janv. 2009, n° 05-83.491) étant observé qu’une telle adjonction avait été le fait de l’éditeur du site.

S’agissant enfin spécifiquement du recours à un lien hypertexte, elle juge que l’insertion, sur Internet, par l’auteur d’un écrit, d’un tel lien renvoyant directement à l’écrit, précédemment publié, caractérise une telle reproduction (Cass. crim., 2 nov. 2016, n° 15-87.163). Il en résulte qu’un lien hypertexte qui, comme au cas présent, renvoie directement à un écrit qui a été mis en ligne par un tiers sur un site distinct, constitue une reproduction de ce texte, qui fait courir un nouveau délai de prescription, de sorte que l’action publique n’était pas prescrite.

  • Sur la diffamation publique

Rappelant la jurisprudence européenne, la Cour de cassation juge que les liens hypertextes contribuent au bon fonctionnement du réseau Internet, en rendant les très nombreuses informations qu’il contient aisément accessibles. Pour apprécier si l’auteur d’un tel lien, qui renvoie à un contenu susceptible d’être diffamatoire, peut voir sa responsabilité pénale engagée en raison de la nouvelle publication de ce contenu, les juges doivent examiner si l’auteur du lien :
- a approuvé le contenu litigieux ;
- a seulement repris le contenu ou s’est contenté de créer un lien, sans reprendre ni approuver le contenu ;
- savait ou était raisonnablement censé savoir que le contenu litigieux était diffamatoire ;
- a agi de bonne foi.

Un tel examen concerne des éléments extrinsèques au contenu incriminé, de la nature de ceux dont la Cour de cassation juge qu’il appartient aux juges de les prendre en compte pour apprécier le sens et la portée des propos poursuivis comme diffamatoires (Cass. crim., 11 déc. 2018, n° 17-84.889). Si l’appréciation des juges sur ces éléments extrinsèques est souveraine (Cass. crim., 8 oct. 1991, n° 90-83.336), il leur incombe de s’assurer qu’un tel examen a été effectué dans le respect des exigences de l’article 10 de la Convention EDH telles qu’interprétées par la CEDH. Enfin, la Cour rappelle que tout jugement doit être motivé. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

Les juges du fond relèvent qu’en lui-même, le propos incriminé renferme l’insinuation que la parte civile s’est rendue coupable du crime de viol. Pour déclarer le prévenu coupable, et énoncent que la circonstance que cette diffamation ait eut pour support un lien hypertexte est indifférente, dès lors que, la réactivation d’un contenu sur Internet valant reproduction, l’insertion d’un tel lien constitue un nouvel acte de publication. Ils constatent donc que le lecteur, en activant le lien hypertexte, prend ainsi connaissance de cette accusation de viol dirigée contre le requérant.

Mais la Cour de cassation ne suit pas leur raisonnement : ils auraient dû examiner les éléments extrinsèques au contenu incriminé que constituaient les modalités et le contexte dans lesquels avait été inséré le lien hypertexte y renvoyant, et spécialement le sens de l’autre texte auquel renvoyait le lien, qui contredisait les propos poursuivis, et les conclusions que tirait la prévenue de l’ensemble formé par ces deux textes.