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Apologie du terrorisme et discours humoristique : la CEDH précise les limites de la liberté d'expression

Jurisprudence

Dans une décision du 2 septembre 2021, la CEDH a jugé que la condamnation pénale d'une personne ayant offert à son neveu de trois ans un tee-shirt, porté à l'école maternelle, avec les inscriptions « je suis une bombe » et « Jihad, né le 11 septembre » ne viole pas la liberté d'expression (Conv. EDH, art. 10). La Cour rappelle que le discours humoristique ou les formes d'expression qui cultivent l'humour sont protégés par l'article 10 de la Convention sans pour autant échapper aux limites définies par celui-ci.

Au cas d'espèce, un ressortissant français a été condamné pénalement par les juridictions françaises pour apologie de crimes d'atteintes volontaires à la vie en raison des inscriptions apposées sur un tee-shirt qu'il avait offert à son neveu, alors âgé de trois ans, en guise de cadeau d'anniversaire. Il avait demandé que soient inscrites les mentions « je suis une bombe » sur la poitrine et « Jihad, né le 11 septembre » dans le dos. La directrice de l'école maternelle où se trouvait l'enfant, ayant constaté le message inscrit sur l'habit, a alors alerté l'inspection académique ainsi que le maire de la commune. Une procédure pénale a été ouverte à l'encontre de l'homme à l'origine du "cadeau" qui fut condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis et 4 000 € d'amende. Le condamné a par la suite saisi la CEDH d'une action en violation de la liberté d'expression, invoquant caractère humoristique des inscriptions litigieuses pour justifier son acte.

  • Sur les limites de la liberté d'expression

La Cour rappelle que le discours humoristique ou les formes d'expression qui cultivent l'humour sont protégés par l'article 10 de la Convention, y compris s'ils se traduisent par la transgression ou la provocation et ce, peu importe qui en est l'auteur. Toutefois, si ces formes d'expression ne peuvent être appréciées ou censurées à l'aune des seules réactions négatives ou indignées qu'elles sont susceptibles de générer, elles n'échappent pas pour autant aux limites définies par ce même article. La Cour observe qu'en l'espèce, le requérant a sciemment recouru à un procédé énonciatif qui, reposant sur la polysémie du mot « bombe », tendait à décrire, dans un style familier propre au français courant, les caractéristiques physiques d'une personne séduisante, tout en les associant aux informations d'identité de son neveu. Tenant compte de l'intention humoristique dont se prévalait le requérant, la cour d'appel de Nîmes a considéré que les inscriptions litigieuses ne pouvaient s'entendre comme constitutives d'une simple plaisanterie mais reflétaient au contraire une volonté délibérée de valoriser des actes criminels, en les présentant favorablement. Elle juge ainsi que certains attributs de l'enfant tels que son prénom, jour et mois de naissance et l'usage du mot « bombe » avaient « servi de prétexte pour valoriser, sans aucune équivoque, et à travers l'association délibérée des termes renvoyant à la violence de masse, des atteintes volontaires à la vie ».

La Cour observe aussi que l'avocat général a replacé les faits de l'espèce dans le contexte des attentats terroristes ayant frappé la France, tout en soulignant l'importance de s'en détacher. Un tel contexte, aussi grave fût-il, ne pouvait suffire à lui seul à justifier l'ingérence en cause dans la présente affaire. Pour autant, la Cour ne saurait ignorer l'importance et le poids que ce contexte général revêtait en l'espèce. En effet, si plus de onze ans séparent les attentats du 11 septembre 2001 et les faits à l'origine de la présente affaire, il n'en demeure pas moins que les inscriptions litigieuses ont été diffusées quelques mois seulement après d'autres attentats terroristes, ayant notamment causé la mort de trois enfants dans une école. Eu égard à l'idéologie terroriste ayant présidé à ces deux attentats, on ne saurait considérer que l'écoulement du temps était susceptible d'atténuer la portée du message en cause dans la présente affaire. La circonstance que le requérant n'ait pas de liens avec une quelconque mouvance terroriste, ou n'ait pas souscrit à une idéologie terroriste, ne saurait davantage atténuer la portée du message litigieux.

  • Sur le contexte spécifique dans lequel les inscriptions litigieuses ont été rendues publiques

La Cour souligne les arguments retenus par la cour d'appel de Nîmes quant à l'instrumentalisation d'un enfant de trois ans, porteur involontaire du message litigieux, sans possible conscience de la chose, et au cadre spécifique dans lequel celui-ci avait été diffusé, à savoir non seulement « un lieu public » mais aussi « une enceinte scolaire », où se trouvaient de jeunes enfants. En outre que le tee-shirt floqué des inscriptions litigieuses n'était pas directement visible des tiers mais a été découvert au moment où l'enfant était rhabillé par des adultes. Il n'était pas davantage accessible à un grand public puisque porté uniquement dans l'enceinte d'une école. Le message litigieux ne fut ainsi lisible que par deux adultes. À cet égard, la Cour rappelle avoir déjà souligné l'importance de l'absence de publicité lors de l'examen de la proportionnalité de l'ingérence dans l'exercice de la liberté d'expression (CEDH, 11 déc. 2003, n° 39084/97, Yankov c. Bulgarie). Si elle ne peut spéculer sur la nature exacte des intentions du requérant sur ce point, la Cour observe néanmoins que celui-ci ne nie pas avoir spécifiquement demandé que son neveu porte le tee-shirt litigieux à l'école ni avoir voulu partager son message. Il s’est au contraire prévalu d'un trait d'humour.

La Cour conclut que le requérant ne pouvait ignorer la résonance particulière de telles inscriptions dans l'enceinte d'une école maternelle, dans un contexte de menace terroriste avérée. À cet égard, elle prend note des arguments de l'avocat général tenant à l'émotion et aux tensions suscitées par le message litigieux ainsi que son impact sur la paix sociale.

Elle précise au passage que les autorités nationales se trouvent en principe, grâce à leurs contacts directs et constants avec la situation sociétale de leur pays, mieux placées que le juge international pour se prononcer sur la « nécessité » d'une « restriction » ou « sanction » destinée à répondre aux buts légitimes qu'elles poursuivent.

La Cour confirme la décision des instances nationales. Elle constate que la cour d'appel de Nîmes a veillé à apprécier la culpabilité du requérant en se fondant sur les critères d'appréciation définis par la jurisprudence de la CEDH, au regard des exigences de l'article 10 de la Convention, et après avoir procédé à une mise en balance des différents intérêts en présence. Elle estime que les motifs retenus pour fonder la condamnation, reposant sur la lutte contre l'apologie de la violence de masse, apparaissent dans les circonstances spécifiques de la présente affaire, à la fois « pertinents » et « suffisants » pour justifier l'ingérence litigieuse, et répondaient en ce sens à un besoin social impérieux.

  • Sur le caractère proportionné de la sanction

La Cour rappelle que la nature et la lourdeur des peines infligées sont des éléments à prendre en considération lorsqu'il s'agit de mesurer la proportionnalité d'une atteinte au droit à la liberté d'expression. En l'espèce, elle estime que dans les circonstances spécifiques de la présente affaire, le montant de l'amende prononcée reste proportionné. Par ailleurs, tenant compte en particulier du sursis dont la peine de prison fut assortie, la Cour peut conclure que la condamnation prononcée contre le requérant n'était pas disproportionnée au regard du but légitime poursuivi.