Accès aux données téléphoniques au cours d’une enquête pénale : précisions de la CJUE sur les conditions à respecter
L’accès de la police aux données contenues dans un téléphone portable n’est pas nécessairement limité à la lutte contre la criminalité grave. Il présuppose, toutefois, une autorisation préalable par une juridiction ou une autorité indépendante et doit respecter le principe de proportionnalité. Par ailleurs, la personne concernée doit être informée des motifs sur lesquels repose l’autorisation d’accéder à ses données.
Saisie à titre préjudiciel par le tribunal administratif du Tyrol, la CJUE s’est prononcée ainsi dans un arrêt du 4 octobre 2024.
En l’espèce, le 23 février 2021, à l’occasion d’un contrôle en matière de stupéfiants, des agents douaniers autrichiens ont saisi un colis contenant 85 grammes de cannabis. Le 6 mars 2021, des policiers ont effectué une perquisition au domicile de l’individu à qui le colis était adressé et ont saisi son téléphone portable. La police autrichienne a ensuite vainement tenté de le déverrouiller. Tant la saisie de l’objet que les tentatives d’exploitation ultérieures de celui-ci ont été effectuées sans autorisation du ministère public ou d’un juge. Par ailleurs, l’individu n’a pas été informé de ces tentatives. Il a donc contesté la légalité de la saisie de son téléphone.
Dans ce contexte, la juridiction autrichienne pose trois questions à la CJUE, afin de déterminer si la règlementation autrichienne est compatible avec le droit de l’Union : l’accès à l’ensemble des données contenues dans un téléphone portable doit-il être limité à la lutte contre les infractions graves ? La police judiciaire peut-elle, au cours d’une procédure d’enquête pénale, se procurer un accès complet et non contrôlé à ces données sans autorisation d’un juge ou d’une entité administrative indépendante ? Enfin, les policiers doivent-ils informer le propriétaire du téléphone des mesures d’exploitation numérique de ce dernier ?
À titre liminaire, la Cour relève qu’une telle tentative d’accès relève du champ d’application de la
Lutte contre la criminalité grave. – La Cour rappelle que les limitations des droits fondamentaux en matière de vie privée et familiale et de protection des données à caractère personnel doivent respecter le principe de proportionnalité et ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêts général reconnus par l’Union. Or l’accès à l’ensemble des données contenues dans un téléphone portable peut constituer une ingérence grave, voire particulièrement grave, dans les droits fondamentaux de la personne concernée. La gravité de l’infraction constitue donc bien l’un des paramètres centraux lors de l’examen de la proportionnalité d’une telle ingérence. Toutefois, « considérer que seule la lutte contre la criminalité grave est susceptible de justifier l’accès à de telles données limiterait les pouvoirs d’enquête des autorités compétentes à l’égard des infractions pénales en général, méconnaîtrait la nature spécifique des missions accomplies par ces autorités et nuirait à l’objectif de réalisation d’un espace de liberté, de sécurité et de justice au sein de l’Union ». Le législateur national doit néanmoins définir de manière suffisamment précise la nature ou les catégories des infractions concernées, une telle ingérence dans la vie privée et la protection des données devant être prévue par la loi.
Autorisation préalable. – La Cour précise que, afin d’assurer le respect du principe de proportionnalité, l’accès doit être subordonné à un contrôle préalable effectué soit par une juridiction, soit par une entité administrative indépendante. Ce contrôle doit intervenir préalablement à toute tentative d’accès aux données concernées, sauf en cas d’urgence dûment justifié. Dans ce cas, il doit intervenir dans de brefs délais. Le contrôle doit assurer un juste équilibre entre les intérêts légitimes liés aux besoins de l’enquête dans le cadre de la lutte contre la criminalité et les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel.
Information du propriétaire du téléphone. – Enfin, la Cour énonce que les autorités nationales compétentes qui ont été autorisées à accéder aux données contenues dans le téléphone portable doivent informer son propriétaire des motifs sur lesquels cette autorisation repose, dès le moment où la communication de cette information n’est plus susceptible de compromettre l’enquête. Les autorités doivent mettre à sa disposition l’ensemble des informations prévues par la