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Limitation des paiements en espèce : la CJUE invitée à préciser l'étendue de la compétence exclusive de l'UE dans le domaine de la politique monétaire

L'Avocat général, dans ses conclusions du 29 septembre 2020, estime que le droit de l'UE prévoit, en principe, une obligation d'accepter des espèces en euros pour le règlement des créances de sommes d'argent. Mais, ajoute-t-il, l'Union et les États membres peuvent, dans le cadre de l'exercice de compétences différentes de celles qui concernent la politique monétaire, imposer des limites à l'utilisation des billets de banque en euros comme moyen de paiement, afin de poursuivre des motifs d'intérêt public, à certaines conditions. Cette affaire soulève des questions inédites concernant le contenu de la compétence exclusive conférée à l'UE dans le domaine de la politique monétaire, ainsi que les effets du cours légal des billets de banque en euros prévu par le droit de l'UE.

Selon Giovanni Pitruzella, cette affaire revêt une importance considérable, tout d’abord, en raison de ses implications de nature constitutionnelle. En effet, elle implique la détermination de l’étendue de la compétence exclusive de l’Union dans le domaine de la politique monétaire et soulève, dès lors, des questions relatives à la répartition des compétences entre l’Union et les États membres et aux modalités d’exercice des compétences respectives. Elle suppose, en particulier, la définition de critères permettant de délimiter l’action des États membres lorsque, dans l’exercice de compétences qui leurs sont propres, cette action, bien qu’elle n’empiète pas sur un domaine relevant de la compétence exclusive de l’Union, entre néanmoins en contact avec des notions relevant d’un tel domaine. Cette affaire soulève aussi des questions inédites et d’une importance pratique considérable, actuelle et future, concernant la monnaie unique, l’euro. La Cour est appelée à interpréter des notions de droit monétaire sur lesquelles elle n’a pas encore eu l’occasion de se pencher, et, plus particulièrement, celle de cours légal. Tout cela se produit dans un contexte complexe, où l’avènement de la monnaie scripturale et de celle électronique, ainsi que le progrès technologique, doté d’effets retentissants également sur l’utilisation de la monnaie, vont de pair avec l’existence d’un nombre encore non négligeable de personnes vulnérables qui n’ont pas accès aux services financiers de base. 

Deux redevables du paiement de la redevance audiovisuelle allemande ont proposé de payer cette redevance en espèces à l'organisme de radiodiffusion. Le règlement de cet organisme sur les procédures de paiement des redevances audiovisuelles exclut toute possibilité de payer la redevance en espèce. L'organisme rejette leur offre de paiement et leur envoie des avis de recouvrement. 

La juridiction saisie du litige considère que l'impossibilité de payer la redevance audiovisuelle en espèces est contraire à un règlement de droit fédéral de rang supérieur, qui prévoit que les billets de banque en euros ont un cours légal illimité. La juridiction interroge la CJUE afin de savoir si :
- cette disposition est conforme au droit de l'UE au regard de la compétence exclusive de l'Union dans le domaine de la politique monétaire ;
- si le droit européen ne contient pas déjà une interdiction faite aux entités publiques des États membres de refuser le règlement en billets de banque en euros, d'obligations de paiement imposées par les pouvoirs publics. Ce qui impliquerait que le règlement fédéral soit contraire au droit de l'UE ;
- si les États membres dont la monnaie est l'euro, peuvent adopter des mesures nationales restreignant l'utilisation des espèces.

Dans le système des compétentes de l'UE prévu par les traités, lorsqu'une compétence exclusive est attribuée à l'Union dans un domaine déterminé, seule l'Union peut légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants dans ce domaine. Les États membres perdent toute prérogative à cet égard (TFUE, art. 2, § 1 : les États membres ne peuvent adopter de façon autonome des actes juridiquement contraignants que s'ils y sont autorisés par l'Union ou pour mettre en œuvre des actes de l'Union).

  • Sur la compétence exclusive de l'Union dans le domaine de la politique monétaire

En ce qui concerne la politique monétaire spécifiquement, l'Avocat général considère que cette compétence exclusive n'est pas limitée à la définition et à la conduite d'une politique monétaire en termes opérationnels (politique monétaire au sens strict). Elle comprend aussi toutes les compétences et tous les pouvoirs nécessaires à la création et au bon fonctionnement de la monnaie unique. Cela inclut une dimension normative dans laquelle rentrent la définition et l'encadrement du statut et du cours légal de la monnaie unique (en particulier des billets de banque et des espèces en euros). L'Avocat général en retire qu'une disposition nationale adoptée par un État membre de la zone euro qui réglemente le cours légal des billets de banque en euros empiète sur les compétences exclusives de l'Union, n'est pas conforme au droit de l'UE.

Toutefois, la compétence exclusive en ce qui concerne la monnaie unique ne va pas jusqu'à inclure une compétence générale pour réglementer les modalités d'exécution des obligations de paiement, de droit public comme de droit privé. Cette compétence est restée dans le chef des États membres. Ainsi, un État membre peut adopter une disposition qui ne constitue pas une réglementation du cours légal des billets de banque mais une réglementation qui concerne l'organisation et le fonctionnement de l'administration publique qui prévoit une obligation d'accepter des paiements en espèces de la part de ses administrés.

Giovanni Pitruzella estime qu'il incombe à la juridiction allemande, seule compétente pour déterminer la portée exacte de la réglementation nationale, d'établir si le règlement fédéral constitue une disposition qui, par son objectif et son contenu, introduit une réglementation du cours légal des billets de banque. Selon lui, cet article semble tendre à compléter la notion de « droit de l'Union » qu'est la notion de cours légal des billets de banque. Si tel était le cas, il y aurait lieu de considérer que l'article en question réglemente le cours légal des billets de banque en euros et que, en ce qu'il empiète donc sur le domaine de compétence exclusive de l'Union en ce qui concerne la politique monétaire, il y aurait lieu d'écarter son application.

  • Sur la définition de « cours légal des billets de banque en euros »

En l'absence d'une définition précise de la notion de « cours légal des billets de banque en euros », L'Avocat général estime qu'il incombe à la Cour de procéder, par voie d'interprétation, à la détermination de la portée de cette notion de droit de l'Union.

Selon lui, la notion de « cours légal des billets de banque » comporte une obligation de principe d'acceptation des billets de banque en euros par le créancier d'une obligation de paiement. Sous réserve toutefois de 2 exceptions :
- le cas dans lequel les parties au contrat, dans l'exercice de leur autonomie privée, sont convenues d'autres moyens de paiement, différents du paiement en espèce ;
- le cas dans lequel l'Union ou un État membre dont la monnaie est l'euro, dans l'exercice de leurs compétences respectives, autres que celles relevant de la politique monétaire, ont adopté une réglementation qui ne constitue pas un encadrement du cours légal mais prévoit, pour des motifs d'intérêt public, des limitations à l'utilisation des billets de banque en euros comme moyen de paiement.
Ces limitations ne sont compatibles avec la notion de « cours légal des billets de banque en euros » que si :
- elles ne conduisent pas, de jure ou de facto, à une abolition complète des billets de banque en euros ;
- si elles sont fondées sur des motifs d'intérêt public ;
- s'il existe d'autres moyens légaux de règlement des créances de sommes d'argent ;
- si elles sont proportionnées.

  • Sur les restrictions au paiement en espèces

L'Union ne prévoit pas de droit absolu au paiement en espèces dans tous les cas. Mais la valeur de cours légal attribuée aux espèces peut avoir un lien direct avec l'exercice de droits fondamentaux dans les cas où l'utilisation des espèces fait fonction d'élément d'inclusion sociale. L'Avocat général considère que les États membres doivent adopter des mesures propres à permettre que des personnes vulnérables qui n'ont pas accès à des services financiers de base puissent exécuter leur obligation, notamment de nature publique, sans supporter de coûts supplémentaires.

Giovanni Pitruzella considère qu'il incombe à la juridiction allemande de déterminer la compatibilité du règlement de l'organisme avec le droit de l'UE et le cours légal des billets de banque en euros. À cet égard, il indique toutefois que la mesure prévoit une exclusion qui semble absolue et sans exceptions des billets de banque en euros pour le paiement de la redevance audiovisuelle. Il n'est, a priori, pas tenu compte de la fonction d'inclusion sociale que les espèces remplissent pour les personnes vulnérables précédemment mentionnées.

  • Sur la restriction à la monnaie digitale

L'avocat général souligne, enfin, qu'il ne découle en aucune façon ni de la disposition du TFUE qui confère au cours légal la portée de notion de « droit primaire » ni d'aucune autre disposition du droit de l'Union que le législateur de l'Union a entendu exclure la possibilité, pour l'Union, de donner cours légal, parallèlement aux billets de banque et aux pièces en euros à d'autres formes de monnaie, pas nécessairement physiques, comme une monnaie digitale.