Absence d'état de nécessité fondé sur l'urgence climatique pour les « décrocheurs » du portrait du président de la République
À l'occasion de plusieurs
Des militants de la cause écologique se sont introduits dans des mairies et ont dérobé le portrait officiel du président de la République pour y substituer, dans certains cas, une pancarte sur laquelle était inscrite la formule « Urgence sociale et climatique, où est Macron ? ». Ils entendaient alerter sur ce qu'ils estiment être une inaction de l'État face au réchauffement climatique.
Condamnés pour vol en réunion en 1re instance, les prévenus reprochent aux juges d'appel de ne pas avoir retenu l'état de nécessité lié à l'urgence écologique et de les avoir condamnés alors que, selon eux, le décrochage de portrait relève de leur liberté d'expression à l'égard d'un sujet d'intérêt général.
Dans ces trois décisions, la Cour de cassation confirme la position des juges d'appel pour qui le vol des portraits du président de la République n'est pas de nature à prévenir le danger environnemental dénoncé par les militants ni un moyen adéquat, ni un dernier recours pour éviter un impact négatif du réchauffement climatique sur la planète.
Également, sur des actions militantes mais au sujet de l'intrusion illégale de membres de l'association Greenpeace dans une centrale nucléaire, la Cour de cassation a jugé en juin dernier que l'état de nécessité prévu par la loi ne pouvait être interprété de façon extensive et ne pouvait ainsi être retenu, le danger n'était ni actuel ni imminent, mais l'expression d'une « crainte face à un risque potentiel, voire hypothétique ». Selon elle, le délit d'intrusion, qui visait à dénoncer une situation, n'était pas, par lui-même, de nature à remédier au danger dénoncé (
Par ces trois décisions en date du 22 septembre, la chambre criminelle confirme sa jurisprudence en jugeant que les conditions légales de l'état de nécessité ne sont pas réunies, les prévenus ne pouvant justifier leur action en se prévalant d'un état de nécessité fondé sur l'urgence climatique.
Son analyse se distingue sur la question d'une éventuelle atteinte à la liberté d'expression dans l'arrêt n° 20-85.434. Dans cette affaire les juges d'appel ont jugé que la liberté d'expression, garantie par notre droit positif, ne pouvait être invoquée en l'espèce, car elle ne pouvait jamais justifier la commission d'un délit pénal.
La Cour revient sur cette jurisprudence, au visa de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Elle rappelle qu'ainsi qu'elle l'a déjà jugé, l'incrimination d'un comportement constitutif d'une infraction pénale peut, dans certaines circonstances, constituer une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression, compte tenu de la nature et du contexte de l'agissement en cause (
Elle rappelle que, dans certaines circonstances particulières, le fait d'incriminer et de punir le comportement d'un individu peut porter une atteinte excessive à la liberté d'expression garantie par la
La chambre criminelle pourrait ultérieurement être amenée à contrôler elle-même le caractère proportionné des atteintes portées à la liberté d'expression au regard des circonstances de fait qui auront été établies par la cour d'appel lors de cet examen.
Dans les deux autres affaires (n° 20-80.489 et 20-80.895), les condamnations sont confirmées, les prévenus n'ayant pas posé aux juges correctionnels la question de savoir si leur condamnation portait une atteinte excessive à leur liberté d'expression.